Kathleen O’Donnell, étudiante Australienne de 23 ans, vient de porter plainte contre son propre gouvernement. La raison ? Ce dernier n’aurait pas suffisamment lutté contre le réchauffement climatique, faisant de facto prendre un risque économique et réputationnel trop important aux acheteurs d’obligations australiennes. Utopique ? Idéaliste ? Naïf même ? Peut-être pas tant que ça.
Une action collective
Kathleen O’Donnell n’est en effet pas seule. Suite aux incendies qui ont ravagé le pays l’année dernière, de nombreux Australiens ont déposé le même genre de plainte contre le gouvernement, les régions, plusieurs grandes entreprises du pays. Leurs exigences sont claires : il faut plus de transparence sur les réponses que ces institutions apportent à la crise climatique.
Ce “mouvement de foule” a attiré l’attention de la presse internationale, forçant le ministre des ressources australien à détailler publiquement les initiatives climatiques à venir, en réponse aux interrogations soulevées. Dit autrement, qu’ils soient gagnés ou perdus, ces “petits procès” intentés par les activistes ont déjà atteint leur objectif : ils ont créé le débat public sur le risque climatique en Australie.
L’effet Greta Thunberg
Une dynamique qui rappelle celle de la jeune militante écologiste suédoise, personnalité de l’année 2019, selon Time magazine. Dont on ne peut que saluer l’engagement et l’impact colossal qu’elle a déjà eu, avec très peu de moyens — qu'on soit d'accord ou non avec ses idées.
Depuis ses protestations initialement solitaires devant le Parlement suédois, jusqu’à son discours aux Nations Unies, elle a en effet prouvé que l’activisme n’est pas une affaire de taille individuelle. De larges mouvements peuvent émerger de nulle part et finalement peser lourd sur les positions de hauts responsables.
L’impact modeste des petits gestes...
Mais si des exemples comme le sien ou celui de Kathleen O’Donnell sont remarquables par leurs expositions médiatiques, des actions plus modestes sont menées au quotidien par ceux qu’on appelle les “consomm’acteurs”.
Vous-même avez peut être pris l'habitude d'acheter des produits de marques dont vous partagez les valeurs, voire de boycotter ceux des marques avec lesquelles vous êtes en désaccord. Ces choix sont devenus bien plus visibles avec les réseaux sociaux, qui permettent aux nouvelles générations de voter publiquement “avec leurs portefeuilles”. Mais de nombreuses études ont prouvé que l’impact d’un tel activisme pesait surtout sur l’image, et moins sur les émissions de CO2 des entreprises ciblées.
70% des émissions de CO2 proviennent en effet de (seulement) 100 entreprises [1]. Alors oui : il faut arrêter les pailles en plastique chez Starbucks, mais ce n’est pas ça qui changera la face du monde. La question devient alors : que peut faire le citoyen engagé pour vraiment avoir de l’impact ?
...compensé par le pouvoir de l’épargnant
Dans le passé, les assemblées générales d’actionnaires étaient plus une formalité qu’autre chose. L’équipe dirigeante présentait les résultats de l’entreprise à un parterre d’analystes financiers et d’investisseurs institutionnels. Et on finissait invariablement par adopter à presque 100% les résolutions soumises par le management.
Depuis quelques années, les choses ont changé. La lutte contre le réchauffement climatique et la justice sociale apparaissent de plus en plus régulièrement sur l’agenda des AG, sous l’impulsion des actionnaires, suivant deux scénarios.
Dans le premier, relativement rare, les petits porteurs se réunissent en collectifs pour forcer le débat sur le sujet. C’est compliqué, car il faut généralement représenter un pourcentage minimum du capital total avant de pouvoir imposer une résolution à l’agenda.
Des répercussions à l'échelle mondiale
Dans le second, cet engouement des épargnants individuels pour l’investissement responsable est tel qu’il force le changement au sein des grandes sociétés de gestion. En Europe, BNP Paribas Asset Management, Robeco ou Allianz l’ont bien compris et mettant en avant leurs convictions sur le sujet, pour attirer l’épargne des clients.
Après des années de critiques appuyées, le géant américain Blackrock a annoncé mettre le changement climatique au coeur de sa stratégie, pour les mêmes raisons. Au Japon, c’est l’énorme fonds de pension des fonctionnaires qui s’agite en faveur de la protection de l’environnement.
Et quand ces actionnaires institutionnels abordent le sujet, les managers des grands groupes industriels sont obligés d’écouter. La compagnie pétrolière Chevron a été obligé de rendre publique ses efforts de lobbying sur le réchauffement climatique, sur proposition de BNP Paribas AM. Chez Santos, 43% des actionnaires ont soutenu la résolution proposant que la société se fixe des objectifs en ligne avec l’accord de Paris. De façon similaire, l’obligation de mettre en place un plan de conformité avec cet accord a reçu le soutien de 35% des actionnaires du groupe japonais Mizuho Financial.
Ainsi, par ricochet, les petits investisseurs pèsent sur les gros, qui pèsent alors sur les institutions et entreprises.
Et si ces efforts ne débouchent pas toujours sur l’adoption des mesures proposées, l’important est que le débat environnemental ne puisse plus être ignoré.
D’ailleurs, plutôt que d’attendre que leurs actionnaires les secouent, bon nombre d’entreprises ont déjà déployé des efforts considérables pour établir des plan de transition énergétique et de réduction d’empreinte carbone. British Petroleum et Shell ont ainsi dévoilé des stratégies zéro carbone à horizon 2050.
Les actions coup de poing et les manifestations des militants écologiques fascinent l’imaginaire collectif et enflamment la toile. Mais le militantisme n’est pas la seule méthode pour contribuer personnellement à la lutte contre le réchauffement climatique. Adopter une consommation plus respectueuse de l’environnement constitue un bon début, placer son épargne au bon endroit est un outil tout aussi, voire plus puissant.
1. Selon un rapport publié en 2017 par le Climate Accountability Institute, intitulé “Carbon Majors”
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