Actions américaines : de l’euphorie à la répulsion, il n’a fallu qu’un mois

Mar 20, 2025

Depuis plus d’un quart de siècle, mon ancien employeur, Bank of America, effectue mensuellement un sondage auprès d’une centaine de grands investisseurs institutionnels pour jauger leur sentiment sur le marché. En mars 2025, le rapport de BofA fait état d’une évolution radicale. Jamais les gestionnaires interrogés n’avaient aussi massivement réduit leurs allocations envers les actions américaines, tout en augmentant significativement leurs positions en Europe.

Qui l’eût cru, dans la foulée de l’élection de Donald Trump, qui avait pourtant promis de Make America Great Again ?

Voici notre analyse de ce phénomène aussi étonnant qu’impactant, en soulignant d’abord son ampleur, puis ses causes et enfin ses conséquences.

Un revirement historique des portefeuilles d’investissement

Allocations records « underweight » sur les actions américaines

Partons du constat. En réponse à son sondage du mois de mars, les gestionnaires interrogés par BofA affichent désormais une sous-pondération nette de 23 % sur les actions américaines. Cela représente une chute massive de 40% par rapport au mois précédent. En effet, en février, les investisseurs institutionnels avaient indiqué sur-pondérer les valeurs boursières américaines de 17%.

Ce mouvement constitue la rotation la plus brutale jamais enregistrée depuis le début de l’enquête en 1999.

Dans la pratique, cela représente des ventes massives d’actions américaines. 

Cash et réallocation géographique

Où est parti cet argent ? Tout d’abord en cash, en attente d’être redéployé. Les liquidités ont bondi à 4,1 % des portefeuilles (contre 3,5 % en février), signe d’une aversion accrue pour le risque. 

Parallèlement, les investisseurs ont massivement réorienté leurs capitaux vers l’Europe, avec une surpondération nette de 39 % sur les actions européennes. Là aussi, il s’agit d’une statistique marquante, car ce niveau est inédit depuis mi-2021.

Fort contraste avec l’optimisme récent

Ce désamour contraste avec l’optimisme dominant à la fin de l’année dernière et des premières semaines de l’année 2025, lorsque le S&P 500 atteignait des sommets.

Depuis, l’indice a perdu 8 %, et les projections des gestionnaires suggèrent un scénario de correction prolongée, avec un risque de repli sous les 5 000 points en cas de récession.

Voilà pour les faits. Passons maintenant aux raisons données par les gestionnaires pour expliquer leur virement de bord radical.

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Trump down, Europe up

La fin de « l’exceptionnalisme américain »

Près de 69 % des investisseurs consultés estiment que l’ère de la suprématie économique et boursière des États-Unis est révolue. Cette perception s’explique par les risques macroéconomiques qui se profilent à l’horizon.

Les guerres commerciales déclenchées par le Président Trump vont probablement se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs américains. Cette tendance inflationniste pourrait être stimulée par l’expulsion d’immigrants, qui mettrait de la pression sur les salaires dans certains secteurs où ces travailleurs représentent une partie importante de la main-d'œuvre. 

Par ailleurs, les droits de douane imposés par le Mexique, le Canada, l’Europe et la Chine en réaction aux droits de douane américains pèseront sur les exportations américaines. 

Le scénario d’une stagflation (c’est-à-dire une stagnation économique simultanément accompagnée par une inflation élevée) devient alors plus probable. L’ensemble de ces facteurs est perçu par les investisseurs comme conduisant à un ralentissement probable de la croissance américaine : 83 % des gestionnaires anticipent un affaiblissement de l’économie américaine, contre 28 % un mois plus tôt. Et 55 % des répondants identifient une récession mondiale déclenchée par des tensions commerciales comme principal risque.

Enfin, les investisseurs soulignent aussi que les revirements d’opinion rapides et fréquents du président américain et de son gouvernement créent de l’incertitude. Or, les gestionnaires détestent l’incertitude, qui a tendance à stimuler la volatilité.

Vendre des actifs risqués (comme les actions) et réduire son exposition envers les États-Unis fait alors pleinement sens.

L’attractivité retrouvée de l’Europe

Au même moment, plusieurs éléments permettent aux investisseurs de croire à un rebond de l’activité économique sur le Vieux Continent. À commencer par le programme de relance allemand et les dépenses militaires gigantesques à venir.

Surtout que tout porte à croire que ces dépenses vont être délibérément fléchées vers des fournisseurs européens (ou - dans le cas de l’armement - aussi asiatiques).

L’attractivité des actions européennes est aussi tout simplement relative. Malgré la forte hausse récente des cours de bourse, les valorisations européennes restent, en moyenne, inférieures à celles de la bourse américaine.

Les actions européennes affichent un décote de 5% par rapport à leur valeur intrinsèque, contre une prime de 6% pour les actions américaines, selon la société d’analyse d’investissements Morningstar.

La rotation sectorielle

Dans un environnement plus incertain et volatil, en anticipation d’un ralentissement économique de plus en plus probable, les investisseurs ont tendance à privilégier des secteurs stables et résistants, tels que la santé ou encore le secteur bancaire, en délaissant les secteurs à forte croissance potentielle mais plus dépendants de la croissance économique, comme la tech.

Or il se trouve que le marché américain est très exposé à la tech (notamment via les Sept Magnifiques que sont Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Microsoft, Nvidia, et Tesla), alors que les bourses européennes sont très exposées aux valeurs bancaires, la santé ou encore l’automobile. 

Conséquences sur les marchés : déstabilisation et opportunités

Pressions sur les indices américains

Pour rappel, les Sept Magnifiques représentaient jusqu’à très récemment plus de 30% de l’indice S&P 500. Or les valorisations élevées de ces géants de la tech (avec des multiples de prix par action supérieurs à 30 fois les bénéfices) rendent le marché vulnérable à un resserrement monétaire ou à une escalade des tensions commerciales. 

Sans surprise, la baisse récente du marché a été notamment causée par la baisse des valeurs technologiques, dont notamment Tesla qui a vu son cours de bourse chuter de moitié.

Rebond européen : un phénomène durable ?

L’indice boursier Stoxx Europe 600 a surperformé le S&P 500 de 16% depuis janvier 2025, porté par les valeurs cycliques et financières. Cette hausse s’est faite sur la base de flux importants : les entrées nettes dans les fonds actions européens ont atteint 60 milliards d’euros en mars, un record depuis 2021.

Maintenant, il est impossible de prédire l’avenir.

Si nous devions argumenter en faveur d’une continuation de cette tendance haussière, nous soulignerions une éventuelle fin aux hostilités en Ukraine, et les effets bénéfiques d’investissements massifs à venir, en infrastructure et en défense notamment. Enfin, il n’est pas exclu que les consommateurs européens orientent de plus en plus leurs achats vers des marques “locales” (ils ont commencé à le faire dans le domaine des véhicules électriques, les ventes de Tesla étant en chute libre en Europe).

Si nous devions souligner les risques d’un tassement en Europe, nous insisterions sur l’effet négatif des droits de douane sur les exportations européennes dans les domaines aussi divers que l’automobile et les boissons alcoolisées. En outre, le rebond de l’Euro face au Dollar (+8% depuis le début de l’année) ne fait que compliquer les affaires de nos entreprises exportatrices. 

Conclusion : un rééquilibrage géopolitique des marchés

Le rapport de BofA souligne un tournant dans la finance globale : les investisseurs institutionnels parient sur un rééquilibrage des puissances économiques, où l’Europe et ses réformes structurelles deviennent un pilier de diversification. 

Toutefois, cette transition reste fragile, tributaire d’un contexte géopolitique volatil et des capacités de résilience des entreprises européennes. Dans ce paysage, les gestionnaires privilégient désormais une approche active et diversifiée, loin des concentrations excessives qui ont marqué la décennie précédente.

Un bon conseil, il nous semble, pour les épargnants individuels. Vous ne savez pas comment vous y prendre, ou vous vous posez des questions à ce sujet ? N'hésitez pas à prendre contact avec nos conseillers. Ils sont là pour ça !

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