OK, le jeu de mots n’est pas de nous, ce sont les journalistes du Financial Times qui ont trouvé la tournure. Mais, bien que contre-intuitive, nous pensons qu’elle pourrait bien s’avérer juste.
En effet, l'année 2025 a débuté sous de bons auspices pour les marchés actions européens, avec une hausse spectaculaire qui contraste fortement avec la performance décevante de 2024. Et qui dépasse très largement la performance des indices boursiers américains, qui, après une hausse à l’annonce de l’élection de Trump, l’ont rapidement effacée pour adopter une tendance baissière prononcée.
Cette embellie européenne, que les experts financiers n’avaient pas nécessairement anticipée, semble paradoxalement liée aux politiques protectionnistes agressives de l'administration Trump, qui poussent l'Europe à s'unir (le Royaume-Uni y compris) et à renforcer son autonomie stratégique. Analysons en détail ce phénomène surprenant.
Un rebond boursier impressionnant
Depuis le début de l'année, les principaux indices boursiers européens affichent des performances remarquables. Le CAC 40 français a progressé d'environ 10% depuis le 1er janvier, tandis que le Stoxx Europe 600, qui regroupe les principales valeurs européennes, a connu une hausse similaire. Cette tendance haussière contraste nettement avec l'année 2024, où le CAC 40 avait reculé de 3%.
Plusieurs facteurs expliquent ce rebond :
- La baisse des taux d'intérêt amorcée par la Banque Centrale Européenne (BCE) en juin 2024, qui soutient l'activité économique, maintenant que l’inflation a largement été endiguée. Elle est en effet tombée sous la barre des 1% en février en France ;
- Les valorisations attractives des actions européennes par rapport à leurs homologues américaines. Certes, l’argument est contre-intuitif, mais après des années où la bourse américaine a enregistré des hausses impressionnantes (plus de 20% en 2024 et en 2023), les valorisations boursières y ont atteint des niveaux historiquement élevés. En relatif, cela conduit tout simplement à rendre attractives les valorisations boursières européennes ;
- L'anticipation d'une reprise économique plus forte que prévue en Europe. Nous plongerons un peu plus dans cette thématique ci-dessous, mais face à la menace russe et dans un contexte de retrait du soutien des États-Unis, l’Europe doit investir massivement pour assurer sa défense. Ces investissements sont de nature à relancer l’économie européenne plus largement.
L'effet Trump : une menace qui unit l'Europe
Paradoxalement, les politiques agressives, sur le plan commercial (droits de douane) et militaire (mise sous pression de l’OTAN, volonté clairement affichée de réduire le soutien militaire à l’Europe, remise en question de son rôle assumé de “gendarme du monde”) de Donald Trump semblent jouer un rôle crucial dans ce regain d'intérêt pour les actifs européens.
Comme l’ironise l’article récent du Financial Times, Trump pourrait bien mériter le prix Charlemagne en 2025, ce prix étant alloué à la personne qui a le plus contribué à l'unité européenne.
Une perception négative qui pousse à l'action
Les sondages montrent une défiance croissante des Européens envers l'administration Trump.
Une très grande majorité des Britanniques (78%) considèrent Trump comme une menace pour le Royaume-Uni. 74% des Allemands et 69% des Français partagent cette opinion. Seulement 16% des Allemands voient les États-Unis comme un partenaire fiable, contre 85% pour la France et 78% pour le Royaume-Uni.
Cette perception négative pousse les dirigeants européens à renforcer leur coopération et à développer une plus grande autonomie stratégique.
Dans le passé, les débats à Bruxelles étaient souvent perçus comme stériles, les membres de l’Union Européenne ayant des opinions trop divergentes pour arriver à des consensus impactants. Depuis quelques mois, les membres UE arrivent non seulement à s’accorder sur des décisions cruciales (à l’exception de la Hongrie d’Orban), mais également à trouver des accords de collaboration avec le Royaume-Uni.
Vers une défense européenne renforcée
Face aux menaces de Trump sur l'OTAN et à la réduction du soutien militaire américain, l'Europe prend des mesures concrètes.
La Commission européenne a ainsi obtenu l'autorisation de lever 150 milliards d'euros pour financer l'industrie de la défense européenne. Les investissements se concentreront sur les domaines où l'Europe dépend fortement des États-Unis, comme la défense aérienne.
Ces dépenses seront nécessairement orientées vers des acteurs européens de la défense. Comme Thalès, Airbus, Dassault Aviation ou encore le suédois Saab et l’allemand Rheinmetall, dont les cours de bourse ont décollé.
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Une nouvelle ère pour l'économie européenne ?
Les tensions commerciales avec les États-Unis poussent l'Europe à repenser son modèle économique et à renforcer son indépendance.
L’Allemagne moteur de la croissance européenne
Le nouveau chancelier Merz a été élu sur un programme d’investissement massif, à financer, entre autres, par de la dette. Le pays est peu endetté et peut se permettre d’augmenter ses dépenses, en infrastructures et en défense notamment.
Les centaines de milliards d’euros qui pourraient être déployés devraient booster l’industrie allemande, et son fameux Mittelstand, qui a bien besoin d’une relance après des années difficiles.
Les investisseurs ne s’y trompent pas, et - par anticipation - ont fait grimper l’indice boursier allemand, le DAX, de 28% en 12 mois glissants.

Émission de dette commune européenne
Par ailleurs, la décision d'émettre une dette commune européenne pour financer la défense marque un tournant historique. Elle brise le tabou allemand sur la mutualisation de la dette.
Elle offre aussi l'opportunité de renforcer l'euro comme alternative au dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Car, en effet, au regard des changements abrupts d’opinion et des tactiques agressives du président Trump, de nombreuses banques centrales sont à la recherche d’alternatives à la devise américaine, longtemps considérée comme la devise principale pour leurs réserves.
Réorientation des investissements
Les menaces d’augmentation des droits de douane de Trump poussent les entreprises européennes à repenser leurs stratégies. Le secteur automobile allemand, particulièrement exposé aux droits de douane et en souffrance depuis des années, pourrait se tourner vers la production de matériel militaire.
Sa position anti-woke et dubitative sur le réchauffement climatique impacte le secteur de la gestion d’actifs. Puisque les grands institutionnels américains Blackrock, Vanguard ou encore State Street se retirent des initiatives contre le réchauffement climatique et refusent de voter en faveur de la décarbonation aux Assemblées Générales des entreprises dont elles sont les actionnaires, des grands investisseurs européens retirent leur argent des ces acteurs. Pour les déployer auprès de gestionnaires européens comme Amundi, plus sensibles aux enjeux climatiques.
Perspectives pour les marchés actions européens
Énergies renouvelables en plein essor
Le secteur des énergies renouvelables pourrait bénéficier de la volonté européenne de réduire sa dépendance énergétique. Les accords d'achat d'énergie renouvelable à long terme avec des entreprises américaines ont augmenté de 50% entre 2021 et 2022. En outre, les investissements dans ce secteur pourraient s'accélérer en réponse aux tensions géopolitiques, toujours dans un souci d’indépendance énergétique.
Défense et aérospatiale en croissance
Les entreprises européennes de défense et d'aérospatiale vont sans doute profiter de l'augmentation des budgets militaires. Dans ce contexte, les entreprises spécialisées comme l’italien Leonardo, le suédois Saab, l’allemand Rheinmetall ou les français Thalès, Airbus et Dassault Systèmes devraient bénéficier de commandes records dans les années à venir.
Ce sera une aubaine pour ces entreprises, mais aussi pour leurs centaines de sous-traitants.
Les consommateurs européens vont-ils consommer local ?
Il est trop tôt pour conclure, mais il existe des premiers signaux que le consommateur européen se détourne de certaines marques américaines, pour privilégier les alternatives européennes.
C’est particulièrement visible dans le secteur des voitures électriques, où les Européens se détournent de la marque Tesla (dirigée par le milliardaire sulfureux Elon Musk, proche ami du président Trump et soutien des partis d’extrême droite en Europe). Les ventes de Tesla en Europe sont en baisse de 25% depuis le début de l’année.
Cette tendance, si elle devait s’affirmer, pourrait créer de la demande supplémentaire pour les producteurs européens dans de nombreux secteurs, de la grande consommation au tourisme.
Conclusion : vers une Europe plus forte et plus unie ?
Les politiques de Trump, initialement perçues comme une menace pour l'Europe, pourraient finalement contribuer à son renforcement. En poussant les Européens à s'unir et à développer leur autonomie stratégique, le président américain pourrait involontairement soutenir la relance économique tout comme le renforcement des liens politiques des pays européens entre eux d’abord, mais également avec le Royaume-Uni.
Les marchés actions européens semblent refléter cette nouvelle dynamique, avec des performances encourageantes depuis le début de l'année.
Cependant, de nombreux défis restent à relever. La capacité de l'Europe à maintenir son unité face aux pressions externes et internes sera cruciale pour transformer cette opportunité en succès durable. La question du niveau d’endettement, très élevé dans certains pays comme la France ou l’Italie, se fait plus pressante, face aux grands investissements nécessaires, dans un contexte de déficits budgétaires difficiles à contenir (sans restrictions et restructurations fondamentales).
Comme l'a dit Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'Union européenne : "L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises." La crise provoquée par les politiques de Trump pourrait bien être le catalyseur d'une Europe plus forte, plus unie et plus prospère.
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