Parce que ce dernier se fait rare, et qu’un manque sévère de cette source d’énergie pourrait stopper net la relance économique de l’Europe. Par ricochet, vos investissements pourraient en souffrir, et votre facture de chauffage pourrait exploser (elle a déjà commencé). Alors oui, nous allons parler du gaz.
Les champs de gaz européens en bout de course
L’Europe est une des régions du monde dont l’économie dépend le plus de gaz, cette ressource représente 20% de sa consommation énergétique totale.
Le problème naît du fait que “notre” gaz a été entièrement consommé. Le fameux champ de Groningue aux Pays-Bas, dont la production avait déjà été réduite suite à des tremblements de terre, sera définitivement fermé l’année prochaine. Les réserves de gaz dans la Mer du Nord, exploitées par les Anglais, se sont réduites à tel point que le Royaume-Uni, qui fut autrefois exportateur net de gaz naturel, est aujourd’hui obligé d’importer 50% de sa consommation. Bref, nous ne pouvons plus nous servir à domicile, il faut donc s'approvisionner à l’étranger. Et notamment auprès de la Russie.
La dépendance européenne au gaz Russe
Putin utilise le gaz comme un levier de négociation
Certains responsables politiques et des spécialistes de l’industrie accusent Vladimir Putin de délibérément limiter l’approvisionnement du vieux continent en gaz naturel afin de mettre la pression sur l’Europe pour approuver la construction d’un nouveau gazoduc.
Revenons un peu en arrière. Au moment de la dissolution de l’Union Soviétique, les exportations de gaz russe vers l’Europe se faisaient via des gazoducs traversant l’Ukraine. Dans les années 90, la société étatique Gazprom avait souhaité diversifier son réseau, et réduire sa dépendance à l’Ukraine. Elle a donc construit des gazoducs traversant la Biélorussie et la Pologne. Comme nous le savons, les tensions avec l’Ukraine ont débordé en 2014, quand Moscou a annexé la péninsule de Crimée. La Russie a continué de construire des pipelines contournant l’Ukraine, privant ainsi ce pays de revenus importants résultant du transit du gaz.
Ainsi, le pipeline Blue Stream qui passe sous la Mer Noire est entré en activité en 2003. Depuis 2011, Gazprom utilise également le pipeline Nord Stream 1, qui représente à lui seul environ 40% des exportations de gaz naturel délivré à l’Union Européenne en provenance de la Russie.
Le débat actuel se concentre sur le pipeline Nord Stream 2, construit par un consortium dirigé par Gazprom. Malgré des sanctions des USA ciblant un certain nombre d’entreprises impliquées dans le projet, le pipeline a pu être complété en 2021. Mais les régulateurs Allemands n’ont toujours pas approuvé l’entrée en opération de ce gazoduc. Certains analystes pensent que la Russie réduit délibérément les volumes de gaz exportés vers l’Europe pour que la situation devienne intenable et que les Allemands “craquent”. L’Agence Internationale de l’Énergie a ainsi calculé que la Russie pourrait sans problème exporter 15% de gaz de plus si elle le voulait. Elle ne l’a pas fait.
Le gaz maghrébin ne constitue pas une solution de repli
Plus au sud, l’Algérie fournit environ deux-tiers des importations en gaz naturel de l’Espagne et du Portugal. Mais les tensions entre l’Algérie et le Maroc pourraient menacer cette source alternative de gaz naturel. Ainsi, depuis le 1er novembre, l’Algérie a arrêté d’approvisionner le pipeline maghrébin, qui transporte du gaz vers l’Espagne en traversant le Maroc.
Même si la capacité du gazoduc reliant directement l’Algérie à l’Espagne doit être augmentée, l’Espagne subira probablement des prix d’achat de gaz plus élevés à cause de ces tensions.
Ailleurs en Europe, le stress sur les prix est tout aussi élevé. Le Royaume-Uni doit faire face à un second problème : sa très faible capacité de stockage de gaz — ils n’avaient pas vraiment anticipé un scénario dans lequel ils devraient en importer. Les britanniques viennent donc de conclure un accord avec le Qatar qui ferait de cet émirat le fournisseur de gaz de dernier recours, délivrant du gaz liquéfié via des énormes tankers.
Une compétition mondiale accrue
Non seulement nous pourrions soupçonner plusieurs motivations politiques derrière la réduction des livraisons de gaz en provenance de la Russie, mais il faut en outre reconnaître que la compétition pour ce gaz est devenue beaucoup plus rude !
Les économies asiatiques, la Chine en tête, ont crû fortement en quelques décennies et leurs besoins en ressources énergétiques ont augmenté proportionnellement. Cette forte hausse de la demande se combine avec un désir politique fort de réduire la consommation de charbon. Sans surprise, cela conduit à une explosion de la demande asiatique pour le gaz naturel.
Son fournisseur “local” était jusqu’à présent l’Australie, mais les gouvernements asiatiques ont commencé à frapper à la porte des Russes, du Qatar et des US. Et comme nous l’avons déjà démontré par le passé, quand la Chine se déplace, elle ne fait pas les choses à moitié.
Une détente à l’horizon ?
Putin a ordonné à Gazprom d’augmenter ses livraisons de gaz aux sites de stockage européens, dès que les réservoirs domestiques seraient remplis. Ce qui pourrait se produire cette semaine.
Mais en attendant, les prix du gaz sont susceptibles de rester sous tension. Et sont donc à surveiller, car une tension durable sur cette ressource aurait des répercussions potentiellement très larges et sévères sur l’économie. Espérons que l’hiver soit doux...
M’Abonner
Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés