Les marchés baissiers, bien que redoutés par les investisseurs, sont des phénomènes récurrents dans l’histoire des marchés financiers. Ils suscitent toujours beaucoup d’émotions et d’interrogations de la part des épargnants, et nous redoublons donc nos efforts pour partager notre analyse du marché.
Dans nos recherches, nous sommes tombés sur une excellente analyse de Goldman Sachs. C’est un peu douloureux pour moi d’en faire l’éloge, car cette banque d’affaires fut sans doute celle que je considérais comme mon plus grand concurrent pendant des décennies. Mais rendons à César ce qui lui appartient.
Le document de recherche de Goldman Sachs, intitulé Bear Market Anatomy – The Path and Shape of the Bear Market (ou “L'anatomie d’un marché baissier - le chemin et la forme d’un marché baissier”) analyse en profondeur la dynamique des marchés baissiers du passé. Qu’est-ce qui les a déclenchés ? Quelles sont leurs caractéristiques distinctes ? Et quelles sont les conditions nécessaires à leur résolution ?
L’objectif des auteurs est de pouvoir qualifier la crise financière que nous vivons actuellement, afin d’en prédire l’issue. Il nous paraissait donc pertinent de partager avec vous leurs conclusions.
Disclaimer important : ayant été face - et aux côtés - des experts de Goldman Sachs à de nombreuses occasions, je peux témoigner qu’ils sont très forts, mais ils restent humains et donc faillibles.
Comprendre les marchés baissiers : typologie et déclencheurs
Les marchés baissiers se succèdent mais ne se ressemblent pas. Le rapport ne s’attache qu’aux marchés “bear”, dont la définition est une chute de 20% ou plus depuis le plus haut. Sur cette base, les analystes distinguent trois grandes catégories de marchés bear, chacun ayant des causes spécifiques et des impacts différents.
1. Marchés baissiers structurels
Ces phases sont souvent déclenchées par des déséquilibres économiques profonds, tels que des bulles spéculatives ou une crise bancaire. Elles se caractérisent par une chute moyenne de 57 % et une durée moyenne relativement longue de 42 mois. Par ailleurs, le temps de récupération, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la Bourse retrouve son niveau de départ, peut atteindre une décennie.
La Grande Dépression de 1929 et la crise financière mondiale de 2008 sont deux exemples notables de ce type de crise.
2. Marchés baissiers cycliques
Un marché bear cyclique résulte généralement d’un resserrement monétaire, d’une récession imminente ou d’une baisse des bénéfices des entreprises. La correction moyenne est d’environ 30 %, avec une durée typique de deux ans et un rebond complet en cinq ans.
3. Marchés baissiers événementiels
Ce troisième type de marché baissier est déclenché par un choc ponctuel, comme une guerre ou une crise géopolitique. Leur impact est moins sévère (baisse moyenne de 27 %) et leur durée est plus courte (environ huit mois), suivie d’une reprise rapide en un an.
La forte correction des bourses à l’occasion de la pandémie du Covid est un bon exemple d’un marché baissier événementiel. À l’époque, l’économie mondiale se portait relativement bien, avec une croissance modeste et stable, sans grande inflation. Il est vrai que les confinements étaient inhabituels et le choc initial plutôt brutal. Mais les programmes de soutien furent tout aussi rapides et massifs, permettant au marché de rebondir très vite.
Ces distinctions sont essentielles pour comprendre comment les marchés réagissent à différents types de pressions économiques ou géopolitiques. Le tableau ci-dessous illustre les différences en termes de profondeur, durée et temps de récupération entre ces trois types :

Source : Goldman Sachs
Les auteurs du rapport reconnaissent qu’il est plus facile de reconnaître le type de marché baissier après coup que pendant qu’on le vit. Mais ils tentent néanmoins d’appliquer leur théorie à la crise financière que nous vivons actuellement.
Le marché actuel : un choc événementiel avec risque cyclique
Le recul actuel des marchés mondiaux, amorcé en février 2025 après le «jour de libération» et la hausse soudaine des droits de douane par le Président Trump, est classé par Goldman Sachs comme un marché baissier lié à un événement. Ce qui serait plutôt une bonne nouvelle, car si tel était le cas, nous pourrions nous attendre à une baisse moyenne moins forte que dans les deux autres scénarios, et un rebond dès les mois à venir.
Malheureusement, les analystes n’en sont pas certains car plusieurs indicateurs suggèrent que la crise actuelle pourrait évoluer vers un marché bear de type cyclique. Notamment si les risques de récession continuent d’augmenter.
Les prévisions économiques pour la fin de l’année 2025 ont été révisées à la baisse, avec une croissance attendue à seulement 0,5 % aux États-Unis et une probabilité de récession passant à 45 %.
L’indicateur Bull/Bear de la banque, qui mesure les conditions du marché à travers plusieurs paramètres (valorisations sur le marché actions, courbe des taux, chômage), reste élevé à 70 %, signalant une vulnérabilité persistante.
En effet, cet indice a tendance à monter juste avant l’amorce d’une phase baissière, comme l’illustre le graphique suivant :

Mettez votre épargne en mouvement
Cashbee, les meilleurs placements dans une application mobile.
Découvrir l'app
Les rallyes techniques : rebonds temporaires dans un marché baissier
Par ailleurs, les analystes de la banque notent que dans des phases baissières précédentes, les premiers rebonds de marché n’ont été que des leurres. En effet, un phénomène courant dans les marchés baissiers est celui des rallyes techniques – des rebonds de marché significatifs mais temporaires, avant que le marché n’atteigne son creux final.
C’est la raison pour laquelle ces remontées techniques de courte durée sont aussi appelées des “bear market rallyes”.
Ainsi, depuis les années 1980, durant des périodes baissières, il y a eu 19 rebonds techniques, prometteurs, mais qui n’ont pas empêché le marché de retomber encore plus bas par la suite. En moyenne, ces rebonds techniques durent 44 jours avec une hausse comprise entre 10 % et 15 %.
Le tableau suivant présente quelques exemples historiques :

Ces rallyes sont souvent alimentés par des ajustements techniques ou des espoirs liés à des interventions politiques. Cependant, ils ne signalent pas nécessairement la fin du marché bear et le départ d'un nouveau marché bull.
Conditions nécessaires pour sortir d’un marché baissier
Selon Goldman Sachs, plusieurs facteurs doivent converger pour mettre fin durablement à un marché baissier :
- Valorisations attractives : Les ratios cours/bénéfices doivent atteindre des niveaux historiquement bas.
- Positionnement extrême : Les investisseurs doivent adopter une posture fortement négative avant qu’un retournement ne se produise.
- Intervention politique : Des mesures budgétaires ou monétaires significatives sont souvent nécessaires.
- Stabilisation macroéconomique : Une amélioration mesurable des indicateurs économiques est essentielle.
Ces éléments permettent non seulement d’amortir la chute du marché mais aussi d’instaurer une base solide pour une reprise durable. Une fois de plus, les auteurs du rapport se gardent bien de faire des affirmations dans un sens ou dans un autre, mais ils ont le mérite de souligner que dans le passé, les facteurs requis pour entamer un marché durablement orienté à la hausse (un marché bull), les conditions listées ci-dessus devaient être réunies.
Nous rappelons aussi que le passé n’est pas un bon indicateur du futur, mais, comme nous le disait Mark Twain, “history doesn't repeat itself, but it often rhymes” (ou, l’histoire ne se répète pas, mais elle rime souvent).
Perspectives à moyen terme : diversification et résilience
Enfin, l’étude met en lumière plusieurs défis structurels susceptibles d’affecter les rendements futurs. Cela commence par la dé-mondialisation croissante. De nombreux pays et blocs régionaux se rendent compte qu’il est indispensable de maîtriser mieux certaines chaînes de production et qu’une trop grande dépendance vis-à-vis d’autres puissances est stratégiquement risquée.
Par ailleurs, l’augmentation du coût du capital (causée par la hausse des taux d’intérêts) et la pression sur les marges bénéficiaires des entreprises sont également à souligner.

Dans ce contexte, il est clair qu’un scénario pessimiste d’un possible marché baissier qui perdure encore un temps doit être pris en considération. Dans ce scénario, que faire ?
Il nous semble qu’il est bon de réitérer les recommandations que nous avons pu faire dans le passé :
- Ne pas paniquer, car c’est souvent sous l’effet de l’émotion que nous prenons les pires décisions d’investissement ;
- Rester diversifié ou diversifier plus ses placements. De façon géographique, car il n’est pas certain que le prochain moteur de croissance soit nécessairement les États-Unis, mais aussi de façon sectorielle, car il est possible que des secteurs défensifs, comme la grande consommation ou les sociétés d’infrastructure viendront à la rescousse pour compenser d’éventuelles corrections dans les secteurs technologiques (dans ce contexte de tensions géopolitiques, considérer d’allouer une partie de son épargne au secteur de la défense) ;
- Diversifier par classe d’actifs, et combiner ses placements en actions avec des investissements obligataires, des placements immobiliers, des produits structurés qui protègent pour partie ou totalement à la baisse et - pourquoi pas - une exposition à des valeurs refuge comme l’or ;
- Ne pas interrompre ses versements périodiques, permettant de moyenner son point d’entrée (par opposition à la recherche du point le plus bas, ce qui est impossible à faire et risque de faire passer à côté d’un rebond).
En conclusion, bien que chaque marché baissier soit unique dans sa trajectoire et ses déclencheurs, leur compréhension permet aux investisseurs d’adopter une approche plus stratégique face aux incertitudes économiques et financières. En ce sens, le travail d’analyse effectué par les experts de Goldman Sachs mérite votre attention, même si eux, comme nous, ne possèdent pas de boule de cristal.
Besoin de conseils avant d'investir ?
Nos experts en patrimoine vous répondent. Réservez gratuitement un rendez-vous téléphonique.
Prendre rendez-vous
M’Abonner
Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés