Le jour où Starbucks a annoncé que son PDG allait être remplacé par l’actuel patron de la chaîne Chipotle, sa capitalisation boursière s’est accrue de 21 milliards de Dollars. Le même jour, celle de Chipotle a perdu presque 6 milliards de Dollars. Est-ce que Brian Niccol, le PDG entrant, vaut vraiment autant d’argent ?
L’homme qui valait 21 milliards de dollars
La valeur d’une entreprise cotée en bourse se calcule facilement en multipliant le nombre d’actions qu’elle a émises par le cours de bourse de cette action à un instant donné. Le chiffre obtenu est la capitalisation boursière de la société.
Dans le cas de la gigantesque chaîne de cafés Starbucks, le cours de son action s’est envolé de 24% le 13 août dernier. Ce qui correspond à un accroissement de sa capitalisation boursière de 21 milliards de dollars.
Cette forte hausse a été déclenchée par l’annonce que l’entreprise allait se séparer de son PDG actuel, Laxman Narishiman, pour faire venir Brian Niccol, en le débauchant de son poste actuel de patron de la chaîne de fast food Chipotle.
C’est flatteur pour Monsieur Niccol. Mais vu les montants en jeu, penchons- nous sur le sujet de l’importance d’un PDG pour le cours de bourse de son entreprise. Combien vaut un “manager star” ?
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Découvrir l'appCalcul illustratif : un milliard (!) de Lattés de plus ?
Nous nous sommes inspirés des calculs amusants faits par le Financial Times. Ils ont estimé qu’un “Venti Latté” de Starbucks se vendait en moyenne à 6 Dollars l’unité et que la société réalise une marge de 15% sur cette boisson (soit 0,90 dollar).
Si on accorde un multiple PE (Price Earnings) de 21 à ces bénéfices, il faudrait donc que Starbucks vende un milliard de Venti Lattés supplémentaires, par an, et en perpétuité, pour justifier une augmentation de sa valorisation boursière de 21 milliards de dollars.
C’est beaucoup ! Mais est-ce réaliste ?
Le plaidoyer en faveur du CEO Star
Monsieur Niccol a un CV qui parle pour lui. Il a été nommé à la tête de Chipotle quand cette chaîne souffrait de ventes en forte baisse (un peu comme Starbucks aujourd’hui). Il a eu la lourde tâche d’inverser la tendance, et de re-motiver des équipes dont le moral était dans les chaussettes.
Dans les 12 mois qui ont suivi son arrivée à Chipotle (en 2018), le cours de l’action a bondi de 40%. Et le cours de bourse est passé de 6 à plus de 50 dollars l’action pendant les 6 années où il a dirigé la boîte.
Nous savons tous que certains PDG ont des impacts disproportionnés sur la croissance d’une entreprise.
Pensez au retour de Steve Jobs chez Apple, ou le remplacement de Steve Balmer par Satya Nadella à la tête de Microsoft. Plus proche de chez nous, qui contesterait le talent de Bernard Arnault à la tête du groupe LVMH, qu’il a bâti sur plusieurs décennies ? Ces dirigeants ont indéniablement tous eu un impact colossal sur l’évolution de leurs entreprises respectives.
Donc on peut comprendre l’engouement des actionnaires de Starbucks, qui voient arriver le Kylian M’Bappé du fast food.
Surtout qu'un mauvais PDG peut peser sur la croissance et la santé financière d'une entreprise. La lente descente aux enfers du groupe Lagardère, une fois les rênes transmises du fondateur, Jean-Luc Lagardère, à son fils Arnaud en témoigne.
Problème de management ou de modèle d’affaires ?
Nos lecteurs fidèles le savent, nous sommes des grands fans du légendaire investisseur Warren Buffett. Ce dernier a (évidemment) un avis sur le sujet, comme suit :
Dans la langue de Shakespeare : “When a management with a reputation for brilliance tackles a business with a reputation for bad economics, it is the reputation of the business that remains intact”. Ou, quand une équipe de direction jouissant d’une réputation d’excellence s’attaque à un modèle d’affaires réputé pour être peu rentable, c’est la réputation du modèle qui reste intact.
Autrement dit, pour le Sage d’Omaha, la qualité des dirigeants est importante, mais la qualité d’une entreprise et de son modèle d’affaires est bien plus importante encore.
Le modèle d’affaires de Starbucks vs. Chipotle
Les problèmes auxquels Starbucks est confronté aujourd’hui ne ressemblent pas à ceux que Chipotle avait à adresser en 2018.
Chipotle venait de traverser une crise sanitaire, ses restaurants ayant été à plusieurs reprises épinglés pour des manquements à l’hygiène. Sans surprises, ses clients avaient alors délaissé l’enseigne, causant une forte réduction de son chiffre d’affaires.
Brian Niccol a alors sérieusement investi pour améliorer la propreté de ses établissements, avant de s’attaquer à la communication du groupe afin d’en améliorer l’image. Et ainsi de regagner des parts de marché.
Pour Starbucks, la problématique est très différente. Le groupe doit faire face à des boycotts au Moyen-Orient et à une concurrence féroce en Chine, son marché le plus important après les États-Unis. Justement, sur son marché domestique, la marque a perdu de son lustre (étant potentiellement sur-exposé) et ses employés cherchent à se syndicaliser, ce qui pourrait peser sur les coûts du personnel.
Enfin, Starbucks pourrait souffrir de son positionnement, étant perçu comme “chère” par les consommateurs de masse (plus de 5 euros pour un latté) et pas assez branché par les consommateurs hipsters.
Certains de ses actionnaires, dont notamment le fonds activiste Elliott, mettent la pression sur la direction pour changer de cap. Dans ce genre de situation, rien de tel qu'un changement de patron.
Une réaction de marché exubérante
Nous transmettons tous nos vœux de succès à Brian Niccol, et, sans le connaître, estimons qu’il possède l’expérience requise pour prendre le taureau par les cornes et donner une nouvelle direction stratégique à Starbucks.
Nous n’avons pas de boule de cristal, donc nous nous garderons bien de donner une estimation du cours de bourse de Starbucks dans un an.
Mais si nous devions prendre position sur le sujet, nous pensons que le bond de plus de 20% de la valorisation du groupe dont il va prendre la direction est exagéré, en tenant compte de l’éventail des défis auquel il devra s’attaquer.
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