Début de la récession?

May 24, 2022

Depuis le début de l’année, les mauvaises nouvelles s’accumulent. L’inflation s’emballe, la guerre en Ukraine continue, la Chine re-confinée est à l’arrêt... Le risque d’une récession mondiale plane de plus en plus bas. 

Qu’est-ce qu’une récession ?

Comme les récessions sont — heureusement — plutôt rares, et que des récessions mondiales le sont encore plus, commençons par définir le terme.

Plusieurs approches possibles

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, définir une récession mondiale n’est pas chose facile. Les économistes diraient qu’un pays est en récession lorsqu’il a connu deux trimestres consécutifs durant lesquels son Produit National Brut (PNB) a baissé. 

Chez Cashbee, nous aimons bien la définition un peu moins technique employée aux États-Unis. Le bureau américain de la recherche économique définit une récession comme une “réduction significative de l’activité économique qui touche la vaste majorité des secteurs et qui perdure plus que quelques mois”. 

Au niveau mondial, des instances supranationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, estiment qu’on entre en récession quand, sur une année, le citoyen mondial moyen souffre d’une baisse de ses revenus réels. C’est-à-dire ses revenus corrigés notamment des effets de l’inflation. Ce fut le cas en 1975, 1982, 1991, 2009 et, plus récemment en 2020, à la suite de la contraction de l’économie mondiale durant les périodes de confinement causées par le Coronavirus.

Une détérioration notable du pouvoir d’achat 

Quelle que soit la définition retenue, il est clair que pour pouvoir parler de récession, il faut constater une réduction de l’activité économique qui affecte la totalité, ou du moins la vaste majorité des secteurs, et qui pèse sur la vie quotidienne de la population au sens large. 

La croissance économique positive de 2022 remise en question

La bonne nouvelle ? Une croissance économique toujours positive

Commençons par voir le verre à moitié plein. Au regard des critères précédemment énoncés, nous ne sommes pas en récession. La croissance économique faiblit mais reste positive. Les grandes instances mondiales et les bureaux de statistiques économiques prévoient toujours que l’économie mondiale sera en croissance cette année. 

Selon les dernières estimations, calculées au mois d’avril, la croissance économique mondiale atteindrait 2,5% en 2022. Certes, ce niveau de croissance est largement en dessous des 4,5% pronostiqués en octobre dernier, mais nous restons (provisoirement) dans le vert. 

Plusieurs facteurs pourraient néanmoins conduire à réviser ces projections à la baisse. 

Tous les continents sous pression

Quand la Chine tousse, le monde s’enrhume

L’économie chinois joue un rôle fondamental dans la croissance économique mondiale. Elle représente à elle seule 19% de la production de la planète, dont une très grande partie est destinée à l’exportation. Seulement voilà, la Chine est de nouveau touchée par une vague de Covid. Conséquence : le confinement de plusieurs grandes villes chinoises met à l’arrêt des pans entiers de l’industrie chinoise et réduit significativement l’activité portuaire dont dépendent les exportations. Pour faire court, la lutte (drastique) contre la propagation du Coronavirus fait pression sur les chaînes d’approvisionnement, déjà sous tension. 

Les indicateurs locaux sont clairs : le ralentissement de l’économie chinoise est indiscutable. Ainsi, en avril, la production industrielle s’est contractée de 3% et les ventes au détail ont chuté de 11%.

Aux US, le combat contre l’inflation risque d’emporter la croissance économique avec elle

Les plans de soutien massifs pour protéger les entreprises et les consommateurs américains durant la crise ont très bien fonctionné. Trop bien même ? 

La banque centrale américaine, la vénérable Fed, n’est pas loin d’admettre qu’elle s’est trompée sur la persistance et surtout le niveau de l’inflation que les plans d’aide ont déclenché. 

Pour rattraper le coup, elle est de plus en plus ferme dans ses communications avec les marchés financiers. Son objectif est de maîtriser l’inflation au plus vite. Cela passera par des hausses significatives (de 0,50% pour l’instant) et consécutives de ses taux directeurs. Quitte à mettre en danger la croissance économique du pays et à provoquer une hausse du chômage. 

La Fed souhaite contrôler l’inflation tout en faisant atterrir l’économie en douceur (le fameux scénario du “soft landing”). Mais si ce scénario s’avère inatteignable, son choix est fait : ce sera réduire l’inflation, plutôt que protéger la croissance économique. 

En Europe, l’étau du coût des matières premières se resserre  

La hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres. Il faut dire que l’inflation en avril a atteint un niveau de 7,4% en moyenne sur le vieux continent. Dans ce contexte, la France s’en sort plutôt bien !

 

La hausse des prix est notamment la conséquence du conflit en Ukraine, qui crée des tensions sur le prix du pétrole et du gaz, que l’Europe importe en quantités significatives. Ces effets se font également sentir sur les tarifs de nombreuses matières premières agricoles, puisque l’Ukraine et la Russie représentent, ensemble, environ 30% des exportations habituelles en blé (et 75% de l’huile de tournesol !).

Les conséquences sur la situation économique sont importantes : la Commission Européenne a dû réviser ses prévisions pour le second trimestre et anticipe maintenant une stagnation pure et simple.

Les pays les plus pauvres sévèrement touchés

Si l’Europe peut craindre un arrêt de sa croissance économique, de nombreux pays en voie de développement vont probablement connaître la famine. Le système d’approvisionnement alimentaire mondial, déjà affaibli par la crise sanitaire et le réchauffement climatique, est en passe d’atteindre ses limites. Comme évoqué ci-dessus, l’arrêt des exportations de céréales en provenance de l’Ukraine a provoqué une hausse du prix du blé de plus de 50% depuis le début de l’année. La récente décision de l’Inde de suspendre à son tour ses exportations, dans le prolongement d’une vague de chaleur, a fait bondir les prix de 6% de plus.

La semaine dernière, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies a tiré la sonnette d’alarme et parle du “spectre d’une pénurie alimentaire mondiale”, qui pourrait durer plusieurs années. Selon “The Economist” la hausse des coûts des céréales a déjà fait augmenter le nombre de personnes qui pourraient manquer de nourriture de 440 million à 1,6 milliard.

La récession est-elle évitable ?

Oui. Évidemment un retrait de la Russie de l’Ukraine et un relâchement de la politique “zéro-covid” en Chine seraient deux mesures qui permettraient de booster la croissance économique. 

En Europe, les mesures d’aide financière et de protection contre les effets de l’inflation sont activement étudiées. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les hausses successives des taux directeurs devraient commencer à faire sentir leurs effets sur l’inflation dans les trimestres à venir. Quant à la Chine, elle a déjà commencé à déployer des mesures pour soutenir son appareil industriel et ses consommateurs.

Pour la majorité des économistes, une récession mondiale sera donc probablement évitée. Mais il n’y a pas de doute que le risque de son apparition a augmenté.

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