En 2008, la politique accommodante des banques centrales a sauvé les institutions financières d’une grave crise de liquidité. Mais en se prolongeant, elle a fini par peser sur leurs marges ainsi que sur le rendement des placements préférés des Français. Le retour de l’inflation change la donne.
L’inflation a brusquement ressurgi dans nos économies après trente années de retraite sous d’autres latitudes. La conjonction de plusieurs facteurs en sont la cause : la désorganisation des chaînes d’approvisionnement après deux années de pandémie, la guerre en Ukraine et son impact sur le coût des matières premières, l’accélération de la baisse de l’Euro face au Dollar et la hausse induite du coût des importations. La brutalité du phénomène remet en cause les politiques monétaires «non orthodoxes» mises en œuvre au cours des quinze dernières années, fondées sur l’idée qu’il n’y aurait plus de lien entre la masse monétaire en circulation et le niveau des prix… Les conséquences pour l’épargnant français et le système bancaire dans son ensemble pourraient être significatives, mais pas nécessairement pour le pire !
Un surcroît de liquidité qui écrase marges et rendements
La crise financière de 2008 suite à la faillite de Lehman Brothers a été jugulée par l’intervention énergique et rapide des banques centrales qui ont ouvert en grand les robinets de liquidités. Alors que le système bancaire dans son ensemble était au bord de l’asphyxie, cet afflux d’argent a permis d’éviter d’autres faillites. Le quantitative easing, c’est-à-dire le rachat par les banques centrales d’actifs que les établissements financiers auraient eu du mal à céder dans de bonnes conditions sur les marchés, a joué le rôle d’une gigantesque planche à billets. Nul doute que ces interventions ont été salutaires, mais en toute logique elles auraient dû s’arrêter une fois le péril financier écarté. À la crise financière succédait une crise économique, et les États ont pris le relais en utilisant l’arme budgétaire. Mais le hic, c’est que l’état des finances publiques de certains pays européens (pour faire simple, la France et les pays du Sud) limitait considérablement leurs marges de manœuvre. Il a donc fallu à nouveau faire appel aux banques centrales (théoriquement indépendantes) pour maintenir les taux d’intérêt extrêmement bas afin de ne pas alourdir la charge de la dette, et ce jusqu’à la nouvelle crise…
Depuis 2014, les taux directeurs de la BCE sont négatifs. Pour ceux qui empruntent, à commencer par les États, c’est une bonne nouvelle. Dans de telles conditions, le « quoi qu’il en coûte » ne coûte en réalité pas grand-chose. Pour les épargnants en revanche, c’est la douche froide : le taux du Livret A atteint son plancher de 0,5% en 2020, et les fonds d’assurance vie en Euros, stars incontestées des placements depuis deux décennies, ne rapportent pratiquement plus rien non plus. Bien sûr, il reste les placements plus risqués, mais les épargnants français n’en sont guère friands… Pour les banques, ce n’est pas non plus terrible. Leurs revenus sont en effet traditionnellement constitués en majorité de marges sur intérêts ; celles-ci se trouvant réduites à la portion congrue, elles doivent aller chercher d’autres revenus, sous forme de commissions, en facturant davantage les différents services fournis à leurs clients. Pire : les dépôts qu’elles recherchaient avidement en pleine crise de liquidités deviennent une plaie. Les excédents doivent être placés auprès de la BCE qui les leur facture jusqu’à -0,5%. Certaines banques sont tentées de répercuter cette charge sur les plus gros déposants, entreprises et clientèle fortunée.
De nouvelles opportunités apportées par la hausse des taux
La remontée des taux directeurs de la BCE, ainsi que celle, pour le moment timide, des taux d’usure servant de référence au crédit, changent la donne pour les banques. Elles vont pouvoir progressivement reconstituer leurs marges et peut être, si elles se montrent audacieuses, redevenir plus compétitives face aux acteurs en ligne qui les attaquaient sur leurs commissions. Elles vont également être plus accueillantes pour les dépôts (déjà, elles recommencent à rémunérer les comptes à terme des entreprises) : non seulement ils ne leur seront plus facturés par la BCE, mais ils deviennent même attractifs vis-à-vis d’autres sources de financement comme les émissions obligataires qui ont vu leurs spreads s’envoler.
Pour les épargnants, la conséquence la plus visible est la remontée au 1er août du taux de rémunération du Livret A à 2% par an (il était de 0,5% il y a quelques mois). Certains super-livrets offrent également des taux de rémunération attractifs, qui pourraient continuer à s’améliorer dans les mois à venir. Bien sûr, ces placements auront du mal à battre le taux d’inflation et leurs rendements nets resteront probablement négatifs. Ils devraient a minima inciter les Français à s’intéresser davantage à leur épargne, et à trouver de nouvelles alternatives que la hausse des taux d’intérêts ne va pas manquer de générer.
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