Lorsqu’une société côtée en bourse se porte bien et que ses bénéfices augmentent, le cours de ses actions a tendance à monter. Lorsque l’Euro se renforce contre le US Dollar, une somme en Euros équivaut à une somme de plus en plus importante en USD. Mais lorsque les taux d’intérêt montent, les prix des obligations… baissent et vice versa. On dit que le coût de la dette et les taux d’intérêts sont “négativement corrélés”, ce qui veut simplement dire qu’elles évoluent en sens inverse.
Il s’agit là d’un concept financier qui est instinctivement difficile à appréhender et qui mérite d’être expliqué. Comme toujours, nous tâcherons de le faire en évitant les termes trop techniques, même si quelques explications mathématiques sont inévitables, et avons choisi d’éclairer nos propos par un exemple concret, celui de la dette Grecque, qui a fait tant couler d’encre ces dernières années.
Le fonctionnement d’une obligation
Commençons par le début : une obligation est tout simplement un titre qui représente une partie d’une dette contractée par un emprunteur - qui peut être un Etat, comme par exemple la France, ou une entreprise, comme par exemple la SNCF -, sur une durée donnée, typiquement 5 ou 10 ans. L’emprunteur s’engage à payer des intérêts sur sa dette. Il verse un pourcentage prédéterminé (le taux d'intérêt) sur sa dette, c'est-à-dire les obligations qu’il a émises et qui ont été achetées par les investisseurs. La plupart du temps ces intérêts sont connus d’avance et donnés sous la forme d’un taux fixe, donnant lieu à un paiement régulier, appelé coupon.
Pour illustrer les caractéristiques principales d’une obligation, prenons donc les obligations de l’Etat Grec, émises en mars 2010, avec une durée de 10 ans. Ces titres ont été émis avec un coupon annuel de 6,25%, pour un montant total de 5 Milliards d'euros. Cela veut dire qu’un acheteur d’une obligation d’une valeur nominale de 1000 € s’attend à recevoir 62,50 € tous les ans pendant 10 ans, ainsi que le remboursement de son investissement initial à l’échéance, en 2020.
Rapport entre le taux d’intérêt et le prix de l’obligation
Si j’ai acheté l’obligation grecque à sa valeur nominale (soit 1 000 €), et que cette obligation paie un coupon annuel de 6,25% et que je la détiens jusqu’à son remboursement en 2020, alors mon rendement effectif avant impôts sera égal au coupon, c’est-à-dire 6,25%. On parle aussi de rendement brut.
Les obligations sont des titres échangeables. Cela signifie que les détenteurs des obligations peuvent vendre leurs titres librement (à condition de trouver des acheteurs bien sûr) à d’autres investisseurs qui souhaitent en acquérir. Les prix auxquels ces transactions se font sont librement fixés sur le marché, et reflètent l’appétit plus ou moins forte pour les titres.
Et lorsque le prix d’une obligation change cela affecte son rendement. En effet, imaginons que j’ai pu acheter le même titre décrit ci-dessus non pas à sa valeur nominale de 1 000 € mais à 900 €. Alors je vais non seulement recevoir 6,25% sur 1 000 €, c’est-à-dire 62,50 € par an, mais aussi toucher 1 000 € à la maturité. On voit bien que cela représente un rendement supérieur à 6,25% puisque 62,50 (le coupon) / 900 (mon investissement) est égal à 6,94% et en plus je “gagne” 100 € à la date de remboursement.
Or en 2010 et 2011, la Grèce est rentré dans une crise financière profonde, causée notamment par des révélations que ses niveaux d’endettement et de déficit avaient été gravement sous-rapportés les années précédentes, provoquant une crise de confiance, se traduisant par de sérieux doutes quant à la capacité de la Grèce de pouvoir rembourser sa dette. La combinaison de ces facteurs ont poussé de nombreux détenteurs d’obligations grecques à la vente, face à un nombre de plus en plus petit d’acheteurs, provoquant une chute brutale des cours de ses obligations.
Le taux de rendement actuariel
Evaluons l’impact de cette baisse du prix de l’obligation sur le rendement du titre Grec à la lumière de cet exemple. Il nous faut déterminer son taux de rendement actuariel (TRA), qui correspond au rendement d’une obligation qui serait détenue jusqu’à son échéance, prenant en compte son prix d’achat (qui peut donc être différent du nominal) et les coupons restants. La formule exacte pour le calcul de ce taux actuariel est complexe2, mais il existe une méthode pour le calculer de façon approximative, qui s’effectue en deux étapes, comme suit :
a) Calcul du rendement du coupon :
Rendement du coupon = (coupon) / prix * 100
b) Calcul du taux de rendement actuariel :
- Si le cours de l’obligation est supérieur à son nominal
TRA = rendement du coupon - (différence de cours / échéance résiduelle)
- Si le cours de l’obligation est inférieur à son nominal
TRA = rendement du coupon + (différence de cours / échéance résiduelle)
Dans la dernière semaine de décembre 2011, avec encore 8,4 ans à courir avant sa date de maturité en 2020, le prix de l’obligation grecque était tombé sous la barre de 300 € pour toucher 260 €, valeur référence pour nos calculs illustratifs.
A ce prix, le taux de rendement actuariel (approximatif) de l’obligation était donc de :
- TRA = (62,50 / 260) * 100 + (100 - 26)/(8,4)
soit TRA = 32,85% !
Oui, vous l’avez lu correctement, l’investisseur qui aurait eu le courage d’acheter cette obligation dans les derniers jours de l’année 2011, aurait perçu un rendement de plus de 30% par an à condition de détenir les obligations jusqu’à leur échéance en 2020. Il faisait alors le pari que l’Etat Grec serait en mesure de payer les coupons dus, et de rembourser sa dette à l'échéance.
Dans les faits, et selon les publications de l’agence du Trésor Grec, le rendement maximal que ce titre a atteint est d’un peu plus de 35%.
La morale de l’histoire
Si les calculs précis sont plutôt complexes, il est important de bien comprendre le rapport inverse entre le niveau des taux d’intérêt et les cours des obligations (et tout autre forme de titres représentatifs de dette d’ailleurs).
- Lorsque les taux montent, les prix des obligations baissent et inversement ;
- Plus l’échéance de l’obligation est lointaine (en d’autres termes, plus la durée restante à courir de l’obligation est longue), plus les fluctuations des taux impactent le prix et vice versa
Et comme nous aimons bien les histoires qui se finissent bien, vous serez ravis d’apprendre que depuis les jours les plus volatils à la fin de l’année 2011, et grâce sans doute à l’aide financière fournie à la Grèce, ainsi qu’aux mesures d’austérité adoptées par les gouvernements grecques successifs depuis, la confiance des marchés est revenue. Le rendement de la dette à 10 ans de la Grèce va de record en record et est ainsi tombé à 3,036% la semaine dernière, le niveau le plus faible depuis 2000, selon Bloomberg.
- Toute chose étant égal par ailleurs, car d’autres éléments, comme la maturité, l’évolution de la solidité financière du créancier etc.
- La formule exacte, pour les fans de mathématiques financières parmi nous est: Prix = VA = (somme pour i = 1 à N) Fluxi*e-y, où y = taux actuariel, Prix = Prix de l’obligation, VA = Valeur actualisée de tous les flux et Fluxi = Montant des flux à la date i
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