Il est aujourd’hui indéniable que le Covid-19 a été le déclencheur de la crise pas seulement sanitaire, mais désormais aussi économique et financière que nous traversons.
Mais si le virus est à l’origine de cette crise, notre réaction l’a sans doute précipité. L’être humain est souvent la victime impuissante de ses propres biais psychologiques, et nous avons pensé qu’un article sur le sujet tomberait à point nommé.
‘Behavioural economics’
Pour entrer dans le vif du sujet, il faut se pencher sur les études d’économistes comportementaux tels que Richard Thaler et Daniel Kahneman, qui ont mis en lumière les effets de la psychologie humaine sur les marchés financiers, et par extension sur l’économie réelle.
Il serait en effet tentant de croire que les chutes violentes des cours de bourse dans le monde sont le seul résultat d’ordres automatisés donnés par des algorithmes ou le simple reflet de la peur que ressentent les investisseurs devant l’incertitude de la sortie de crise.
Mais ces économistes ont démontré qu’il y a bien d’autres facteurs psychologiques en jeu. Les marchés ne sont pas régis par de simples opérations mathématiques, mais par des dynamiques émotionnelles bien plus complexes encore..
L'excès de confiance
Dans les années 80, l’économiste Hyman Minsky avait expliqué comment la stabilité peut être elle-même génératrice d’instabilité, parce qu’elle stimule la prise de risque excessive durant des périodes de prospérité. C’est ce qu’on appelle la “Hot Hand Fallacy” au Basketball. Si un joueur rentre parfaitement deux shoots, tout le monde va parier sur le fait qu’il marque le troisième, alors que rien ne le justifie statistiquement. En bref, ce n’est pas parce que vous tirez deux bonnes mains au poker que la troisième le sera aussi.
Rapporté à la situation actuelle, selon cette théorie, les dix dernières années de hausse graduelle des marchés actions ont sans doute endormi la sensibilité des investisseurs aux risques. Cet excès de confiance a rendu le problème du Covid-19 beaucoup plus angoissant, précipitant ainsi la baisse des indices boursiers.
L'incompréhension (instinctive) de la progression géométrique
Il est important de souligner la difficulté qu’a le cerveau humain à appréhender les progressions géométriques par rapport aux progressions arithmétiques. Dit autrement, l’esprit humain comprend instinctivement que si un chiffre augmente de 10 tous les jours, il aura augmenté de 70 au bout d’une semaine. Demandez-lui maintenant combien de temps il faut pour qu’un chiffre triple s’il augmente de 25% par jour, et peu de gens sauront répondre qu’il faudra 5 jours.
Le schéma de propagation d’un virus relève malheureusement de ce modèle géométrique. L’esprit humain se retrouve donc systématiquement en retard par rapport à la courbe exponentielle et la vitesse à laquelle le problème s’amplifie. Nous ne sommes pas câblés pour prendre des mesures assez tôt.
La minimisation des Cygnes Noirs
Enfin, le cerveau humain a beaucoup de difficulté à appréhender des situations statistiquement très peu probables. Notre tendance permanente à vouloir simplifier des problèmes complexes favorise donc de façon indirecte les scénarios les plus probables — mais augmente aussi considérablement les dégâts potentiels d’un scénario peu probable.
On se concentre sur les éventualités le scénario central, et on écarte tout bonnement les scénarios restants. Sauf que le jour où un scénario “improbable” se produit (et il se produit toujours) nous sommes violemment pris de court.
C’est ce qu’a démontré Nassim Taleb dans sa fameuse théorie du Cygne Noir, qui s’inspire de la conviction historique que tous les cygnes au monde étaient forcément blancs….Jusqu’au jour où un cygne noir a été découvert en Australie. Et il souligne comment, à travers les âges, les hommes ont pris des décisions en ignorant – à leurs risques et périls – les évènements très improbables mais possibles.
Ainsi, il était impossible qu’une attaque terroriste ait lieu sur le sol Américain, avant 9/11. Il était aussi inimaginable qu'un "petit pays du foot" puisse gagner le championnat d'Europe, jusqu'à ce qu’en 2004, la Grèce bouscule cette conviction. Il n’était pas envisageable qu’un virus similaire au SARS apparu dans une ville méconnue appelée Wuhan puisse déclencher une pandémie mettant à l’arrêt l’économie mondiale pendant plusieurs mois. Et pourtant…
Finissons sur une note optimiste. Chez Cashbee nous sommes convaincus que les épargnants, les entreprises et les gouvernements ajusteront leur appréciation de la gestion des risques dans les années à venir, créant ainsi un monde économique plus sûr et, nous l’espérons, plus responsable.
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