L'industrie du luxe est dominé par les entreprises Européennes. Pourquoi ?

Jan 23, 2024

La Tech ? Les leaders sont américains (Apple, Microsoft, Google, Meta, …) ou chinois (Alibaba, Tencent, …). Les banques ? Même réponse ! Mais dans le luxe, ce sont les entreprises européennes qui mènent la danse. Pourquoi dominons-nous ce secteur ? Explications.

L’Europe est le leader mondial incontesté du luxe

Les marques les plus connues sont européennes

Commençons peut-être par établir que l’Europe se distingue véritablement dans le secteur. On connaît tous les groupes LVMH, Chanel et Hermès, mais est-ce que les Américains, les Russes ou les Chinois n’ont pas de marques de luxe équivalentes ?

La réponse est simple : pas vraiment. On pourrait peut-être citer l’américain Ralph Lauren, mais les spécialistes du secteur reconnaîtront que celle-ci se positionne dans le segment du “accessible luxury” (c’est-à-dire “le luxe accessible”), un segment en-dessous du "vraie" luxe ciblés par Dior, Hermès, Loro Piana et Lanvin.

Dans l’horlogerie, c’est pareil. Oui, Grand Seiko est japonais. Mais Rolex, Patek Philippe, FP Journe, Richard Mille et Audemars Piguet sont suisses. Panerai est d’origine italienne.

Si les Californiens, les Australiens, les Argentins et les Africains du Sud fabriquent de belles choses, les meilleurs vins du monde restent, selon nous, français, italiens ou, peut-être, espagnols. Et les champagnes, cognacs et portos ne peuvent provenir, par construction, que du Vieux Continent.

Dans l’automobile, les firmes allemandes (Porsche, Mercedes et Audi) et italiennes (Ferrari, Lamborghini, Maserati) n’ont pour véritables concurrents que quelques sociétés anglaises (Rolls Royce, Bentley, Aston Martin).

Le luxe, un secteur économique en pleine expansion

Différentes études récentes réalisées par des cabinets de conseil soulignent que dans le luxe, les entreprises européennes réalisent environ deux tiers des ventes mondiales. 

Or, en vingt ans, ces ventes ont triplé de valeur, pour représenter 400 milliards de dollars par an. Le luxe est donc sans aucun doute un secteur économique qui pèse. Et qui impacte favorablement nos économies, en termes de création d’emplois et de recettes fiscales, entre autres.

La domination des européens dans le domaine du luxe s’étend également à la bourse. En prenant comme mesure les capitalisations boursières, sur les 10 marques dont les valorisations sont les plus élevées, neuf sont européennes (selon The Economist).

L’Europe bénéficie d’une longue histoire du “style”

Comment expliquer que le luxe reste un des rares domaines industriels dans lequel les Européens excellent et continuent de dominer ? Pourquoi avons-nous su préserver notre avance incontestable dans ce secteur, alors que nous l’avons perdu dans tant d’autres ?

Tout d’abord, l’Europe possède un avantage significatif unique et irrattrapable : son histoire et son héritage culturel. Les touristes affluent de tous les continents, pour venir admirer nos bâtiments historiques, nos châteaux, nos musées. Ils en profitent pour goûter nos mets, boire nos vins et apprécier “la dolce vita”. Ils recherchent et adorent le style et le chic européen. 

Ainsi, sept des dix villes les plus visitées au monde sont en Europe*, Paris étant tout en haut de la liste. Et c’est de là que vient une connotation de qualité et de chic, associée au “made in France” (ou au “made in Italy”) pour la mode, ou au “made in Germany” pour les voitures, par exemple.

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Le centre de la mode et de l’innovation

Naturellement, avoir une culture riche et une longue histoire ne suffisent pas.  

Mais le vieux continent est également progressivement devenu le centre du monde du design et de la mode. Trois des quatre fashion weeks majeures se déroulent dans des capitales européennes. 

Celle de New York est l’exception à la règle. Mais les designers américains les plus talentueux savent qu’il faut faire un passage par l’Europe s'ils veulent percer. Ce fut le cas par exemple du célèbre créateur Tom Ford. C’est tout à fait comparable aux meilleurs ingénieurs informatiques européens qui ressentent le besoin d’aller travailler dans la Silicon Valley pour réussir.

Un savoir-faire ancien et unique

L’expertise technique est sans doute une raison additionnelle derrière le succès du luxe européen. Notre continent est parsemé d’ateliers de fabrication qui existent depuis des décennies ou même des siècles. 

Que ce soit les chefs triplement étoilés, les maroquiniers qui fabriquent les sacs Hermès à la main ou les horlogers Suisses qui consacrent des centaines d’heures pour assembler une seule montre de précision, leurs techniques et leurs savoirs ont souvent été transmises de génération en génération. Ce qui les rend difficilement exportables.

La parfumerie, la haute couture ou encore les compétences pour diriger les hôtels de luxe sont apprises dans des écoles ultra-spécialisées qui n’existent qu’en Europe.

Le talent des entrepreneurs

Enfin, il nous semble important de souligner le talent de nombreux entrepreneurs individuels, qui ont su porter leurs marques au sommet. On pense bien sûr tout de suite à Bernard Arnault, deuxième fortune personnelle la plus élevée au monde. Mais pas que !

En France, nous pourrions aussi reconnaître le talent de la famille Pinault, derrière la maison de luxe Kering ou des familles Hériard-Dubreuil et Cointreau, à la tête du groupe de spiritueux Rémy-Cointreau. En Italie, Leonardo Del Vecchio, fondateur de la société de lunettes Luxottica, ou encore Remo Ruffini qui reprendra Moncler en 2003 pour transformer la marque et l’introduire en bourse en 2013. Ou, en Suisse, la famille Stern, les descendants des fondateurs de Patek Philippe, fabricant de montres de luxe.

Bien qu’actifs dans différents domaines du luxe, ces visionnaires ont généralement adopté des stratégies similaires et très efficaces, selon deux axes. 

L’intégration verticale afin de contrôler la chaîne de valeur

Premièrement, en se focalisant sur l’intégration verticale de la chaîne de valeur. 

C’est-à-dire que ces groupes ont tissé des liens très étroits avec leurs fournisseurs de matières premières (laine, cachemire, soie et dentelle dans la mode vestimentaire, le raisin dans le vin, le verre, les plantes et autres ingrédients olfactifs dans la parfumerie, etc). Souvent d’ailleurs en prenant des participations et parfois même le contrôle de ces fournisseurs. C’est ainsi qu’ils maîtrisent et assurent la qualité de leurs approvisionnements, en amont. 

En aval, ils en ont fait de même avec les distributeurs de leurs produits. Soit en surveillant et sélectionnant très soigneusement ces distributeurs tiers (afin de préserver le caractère exclusif de leurs produits jusqu’au consommateur final), soit en contrôlant directement les points de vente. Dernier exemple en date, Rolex a décidé en août dernier de prendre le contrôle de Bucherer, son plus gros distributeur de montres. Le fabricant de montres possède maintenant directement la centaine de points de vente à travers le monde de la maison Bucherer, fondée en 1888.

L’intégration horizontale pour contrôler les coûts

Les groupes les plus importants ont également poursuivi des stratégies d’acquisitions horizontales. C’est-à-dire qu’elles ont racheté d’autres marques de luxe, entre autres pour extraire des synergies dans le marketing ou la logistique (sans nuire ou toucher à l’image de chaque marque individuellement). 

LVMH s’est construit selon ce modèle. Le groupe contrôle aujourd’hui plus de 75 marques de luxe, qui opèrent très largement de façon indépendante et qui gardent une indépendance créative. Mais cela permet à LVMH de mutualiser (et donc de réduire) de nombreuses dépenses.

Par ailleurs, cela permet aussi de faire évoluer les meilleurs talents d’un secteur à un autre, d’une maison à une autre, et donc de motiver et retenir ses cadres et créateurs les plus talentueux.

La combinaison de ces facteurs permet à ces leaders du luxe de dégager des marges significatives, pour continuellement investir et innover. Et évidemment pour verser une partie des bénéfices sous forme de dividendes à leurs heureux actionnaires.

Une performance boursière récente à relativiser

En termes boursiers, 2023 ne fut pas optimale pour les valeurs du secteur du luxe. L’indice S&P Global Luxury reflète le secteur du luxe dans son ensemble, car il contient 80 valeurs de cette industrie. Cet indice a perdu 9% l’année dernière. 

Pourtant, fondamentalement le secteur du luxe continue de croître, de 4% en 2023, après une augmentation de 20% en 2022. 

Mais c’est après plusieurs années de forte hausse des cours de bourse. Un investisseur qui aurait acheté des actions de LVMH il y a 5 ans, a vu son investissement multiplié par plus de 2,5. S’il avait acheté des actions Hermès, ce multiple passe même à plus de 3,5 fois.

Cocorico !

* Les villes de Dubai (2ème), Tokyo (4ème) et New York (8ème) complètent la liste

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