Les nouveaux investisseurs débordent de confiance mais manquent de connaissances

Nov 22, 2023

Entre 2020 et 2022, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) estime que 800 000 particuliers ont investi en actions pour la première fois de leur vie. Selon cette institution, ces nouveaux investisseurs individuels sont plutôt jeunes, maîtrisent les outils digitaux (smartphone, internet, …) et préfèrent décider de façon autonome. Mais sont-ils à l’aise en finance et suffisamment renseignés pour comprendre leurs investissements ?

Une étude sérieuse, par des gens sérieux

Avant d’en arriver aux conclusions illuminantes du rapport, établissons d’abord la crédibilité de cette étude, conduite par l’Organisation de Coordination et de Développement Économiques (OCDE).  

Le rapport s’appuie sur les réponses collectées auprès de 1056 nouveaux investisseurs français, détenteurs d’actions, de crypto-devises ou de fonds d’investissements depuis 2020. Leurs réponses ont été comparées à celles données par 1078 investisseurs traditionnels, investisseurs dans ces mêmes classes d’actifs depuis plus longue date. Cette phase quantitative a été ensuite complétée par une phase qualitative, constituée d’entretiens individuels avec 40 nouveaux investisseurs. 

Les auteurs du rapport sont des employés de la Direction des affaires financières et des entreprises de l’OCDE. Ils ont bénéficié du soutien, des contributions et de l’examen apportés par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ainsi que par la Commission européenne. 

Bref, c’est du lourd.

Les nouveaux investisseurs (très) confiants en leurs connaissances financières

Parmi les nombreux constats faits par les analystes de l’OCDE, nous retenons que deux tiers des nouveaux investisseurs se sentent à l’aise ou très à l’aise en matière de finance et d’investissement. En l’occurrence, 14% des nouveaux investisseurs interrogés lors de la phase quantitative estiment “très bien” s’y connaître, et 53% “assez bien”. Le tiers restant comprend “assez mal” ou même “très mal” les placements financiers, selon leurs propres dires.  

Source : OCDE

Parmi ceux qui estiment s’y connaître en investissement, les jeunes, âgés de 18 à 34 ans, sont les plus confiants. Dans cette tranche d’âge, trois-quarts des répondants se rangent eux-mêmes dans les catégories  “très bien” ou “assez bien”. Ce sont également ces personnes qui investissent dans les classes d’actifs les plus risquées, comme par exemple les actions d’entreprises non cotées (87 %) ou encore les produits boursiers spéculatifs, comme les produits dérivés avec effet de levier par exemple (84 %).

Les investisseurs qui disent assez mal ou très mal s’y connaître sont quant à eux plus âgés : dans la tranche d’âge de 50 à 64 ans, ils sont 43 % et au-delà de 65 ans ils sont même 58 % à s’auto-déclarer peu ou pas du tout compétent en matière d’investissement. 

Enfin, les réponses des investisseurs interrogés permettent également de constater une différence entre les sexes : 70 % des hommes considèrent très bien s’y connaître, contre seulement 62% des femmes. Comme d’autres chercheurs ont pu le démontrer, cela illustre surtout le fait que les hommes ont statistiquement plus de mal à avouer ne pas savoir, quand on leur pose une question à laquelle ils n’ont pas la réponse.

So far, so good. En résumé, selon l’étude, les néophytes en investissement se sentent, en grande majorité, plutôt à l’aise pour placer leur épargne. Mais est-ce qu’ils possèdent réellement les connaissances financières dont ils se targuent ?

Comment mesurer les connaissances financières ?

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs s’attaquent à cette question. Les travaux de la professeure Annamaria Lussardi, de l’université de Washington sont très connus en la matière. Nous avions d’ailleurs publié un article au sujet des observations étonnantes faites par cette économiste de renom.

Dans le cas présent, les analystes de l’OCDE se sont sans doute inspirés de ses travaux, pour établir un bref quiz, visant à tester les connaissances en investissement de l’échantillon des nouveaux investisseurs. Le court sondage, composé de 6 questions, teste les personnes interrogées sur six concepts fondamentaux en économie et en finance, comme suit : 

1. Comprendre le lien entre inflation et pouvoir d’achat

Si votre épargne est rémunérée à 5 % par an et que l’inflation est de 6 % par an, au bout d’un an, vous pourrez acheter : 

  1. plus qu’aujourd’hui
  2. exactement la même chose qu’aujourd’hui
  3. moins qu’aujourd’hui

2. L’utilité de diversifier ses placements

En général, quand un investisseur répartit son épargne sur différents placements financiers, et qu'il diversifie ainsi son portefeuille d'investissement, le risque de perdre tout ou partie de son capital : 

  1. augmente
  2. diminue
  3. ne change pas

3. La relation entre risque et rendement des investissements

Vrai ou faux : quand des placements offrent des rendements plus élevés, ils sont probablement plus risqués que des investissements offrant des taux de rendement plus faibles : 

  1. vrai
  2. faux

4. La pertinence du rendement passé comme indicateur du rendement futur

Vrai ou faux : le rendement passé des actions d’une entreprise est une bonne indication de leur rendement futur : 

  1. vrai
  2. faux

5. La nature juridique des crypto-actifs, comme le bitcoin

Vrai ou faux : les crypto-actifs tels que le bitcoin ont cours légal comme les pièces et les billets de banque : 

  1. vrai
  2. faux

6. Les risques liés aux crypto-devises

Vrai ou faux : la valeur des crypto-devises, tels que le bitcoin, peut fluctuer de façon significative, mais il est toujours possible de récupérer le montant initialement investi : 

  1. vrai
  2. faux

Vous avez les bonnes réponses ? 

Il s’agit de 1 - c ; 2 - b ; 3 - a ; 4 - b ; 5 - b ; 6 - b

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Une culture financière insuffisante

Malheureusement, et contrairement à l’opinion que ces nouveaux investisseurs ont d’eux-mêmes, leur culture financière est, en moyenne, relativement modeste et probablement insuffisante.

Car, toujours en moyenne, les personnes interrogées n’ont répondu correctement qu’à trois des six questions qui leur ont été posées. Seul un peu plus du tiers des sondées a correctement répondu à quatre questions ou plus.

Source : OCDE

Qui manque le plus de connaissances financières ?

Les groupes dont la culture financière est la plus faible sont : 

  • De façon peut-être surprenante, les personnes qui considèrent posséder un niveau de connaissances en finance très élevée. 60% d’entre elles n’ont pas répondu correctement à plus de 2 questions sur 6 ! ;
  • Les jeunes. Dans la tranche d’âge des 18-24 ans, 56 % des répondants n’ont pas su répondre correctement à plus de 2 questions ;
  • Les personnes interrogées qui investissent dans les actifs les plus risqués (actions non cotées et des produits spéculatifs), dont respectivement 58 % et 53 % n’ont pas répondu correctement à plus de 2 questions ;
  • Les personnes provenant de catégories socioprofessionnelles inférieures (un peu moins de la moitié d’entre elles n’ont pas su répondre correctement à plus de 2 questions). 

Autre observation inquiétante : le manque de connaissances élémentaires sur les crypto-devises est flagrant. 60% des nouveaux investisseurs pensent, à tort, que ces actifs ont un cours légal.

Les experts auto-déclarés se trompent plus que ceux qui se reconnaissent comme manquant de connaissances

Si on analyse les réponses en fonction du niveau de connaissances en finance tel qu'estimé par les nouveaux investisseurs eux-même, il est étonnant de constater que les personnes les plus confiantes en leurs capacités se trompent plus que ceux qui se déclarent peu formés en la matière.

Parmi les nouveaux investisseurs qui pensent avoir un niveau de connaissances en investissement très élevé, plus du tiers (34 %) n’ont répondu correctement qu’à une seule question sur six ! 

De façon générale, ceux qui estiment posséder de bonnes connaissances financières étaient plus nombreux à donner des mauvaises réponses. En effet, le score moyen de ceux qui considèrent très bien/assez bien s’y connaître est de 2,80 bonnes réponses (sur 6 questions). Cette statistique atteint 3,34 bonnes réponses pour ceux qui estiment mal/très mal s’y connaître dans le domaine de l’investissement financier. 

Enfin, la majorité de ceux qui investissent dans des produits très risqués, tels que les crypto-devises et/ou produits spéculatifs, n’ont pas été capables de répondre correctement aux questions relatives au fonctionnement de ces produits.

Un cocktail potentiellement dangereux

En accord avec une des conclusions principales du rapport, nous pensons que la combinaison d’une confiance en ses propres capacités élevée d’une part, et des lacunes sérieuses dans la pratique d’autre part, est fondamentalement dangereuse pour les épargnants interrogés.

Ces nouveaux investisseurs risquent de faire des placements qui ne correspondent pas à leur profil de risque et notamment de prendre trop de risques, sans s’en rendre compte.

Les résultats tendent à souligner que la culture financière demeure insuffisante parmi les nouveaux investisseurs. Or, la culture financière est, selon l’OCDE, “la combinaison des connaissances, des savoirs, des compétences, des attitudes et des comportements dans le domaine financier indispensables pour prendre des décisions financières en toute connaissance de cause et, en fin de compte, parvenir au bien-être financier.” Rien que ça ! 

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