Norges, le géant des fonds souverains : Une vision responsable

May 18, 2020

Vous avez peut-être entendu parler des fonds souverains, ces fameuses entités étatiques chargées de placer l’argent qu’un État accumule, dans le but de faire fructifier ces liquidités pour le bénéfice de ses citoyens. Petite devinette : selon vous quel pays possède le fonds souverain le plus important ?

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Norvège !

Nombreux sont ceux qui répondent intuitivement le Qatar ou les Émirats Arabes Unis. D’autres penseront à la Chine, dont le fonds souverain doit forcément être gigantesque.

Ces réponses sont tout à fait logiques, mais malheureusement fausses. La China Investment Corporation défend certes une honorable seconde place au classement mondial, avec pas loin de mille milliards de dollars sous gestion. Le fonds souverain d’Abu Dhabi est 3ème, avec 600 milliards. Qatar, pourtant très connu en France car propriétaire du PSG et actionnaire de référence dans des sociétés comme Total, Vinci, Véolia et Air Liquide, n’est que 11ème sur cette liste avec un peu moins de 350 milliards de dollars sous gestion. 

Ce sont nos voisins Norvégiens qui sont en tête, avec un portefeuille d’une valeur de 1200 milliards de dollars environ. Avec une telle somme, le fonds, qui s’appelle officiellement Government Pension Fund Global, mais qui est plus connu sous le nom de Norges, détient en moyenne 1,4% de toutes les sociétés cotées dans le monde. Ce qui en fait un sujet de conversation intéressant, à notre humble avis.

Comment la Norvège a pu mettre de côté une telle somme, et pourquoi ?

Cela commence dans les années 60, quand le pays découvre d'énormes gisements de pétrole le long de ses côtes. Il faut saluer la vision des dirigeants Norvégiens qui décident alors immédiatement de prendre le contrôle de son exploitation, mais aussi de se pencher sur la question de l’allocation de la richesse qui va en résulter. La première idée forte est formalisée en 1983, lorsqu’il est décidé que le gouvernement ne peut plus toucher aux revenus de la vente du pétrole. Ce capital doit être mis de côté, obligatoirement. Le gouvernement peut uniquement dépenser les gains réalisés sur le placement de ses revenus pétroliers.   

C’est connu : pour ne pas puiser dans une poche d’argent, mieux vaut la mettre à l’abri de la tentation sur un compte à part. C’est ce qui mène à la création du Fonds Souverain Norges en 1990, qui reçoit son premier versement en 1996, de quelques milliards d’euros. 

Le but du fonds est clair : il doit d’abord protéger l’économie norvégienne de la volatilité du marché du pétrole et éviter que la Norvège ne devienne trop dépendante du prix du baril. C’est d’ailleurs pour cela que le fonds ne peut investir qu’à l’étranger. Le second objectif est de simplement reconnaître qu’un jour les ressources pétrolières du pays seront épuisées. Il s’agit donc de gérer la richesse qu’elles procurent de façon responsable, pour une durée très longue et d’ainsi sauvegarder le futur de l’économie norvégienne pour des générations à venir.

200 000 dollars par Norvégien

La stratégie d’investissement a-t-elle portée ses fruits ? Un peu oui ! Aujourd’hui le fonds gère une somme qui équivaut à 200 000 dollars par Norvégien. Et plus de la moitié de la somme ainsi mise de côté par la nation, pour la nation, provient des gains réalisés sur les placements effectués par ses gérants. Dit autrement, les revenus en provenance du pétrole ne représentent plus qu’une part minoritaire du fonds Norges, tellement ses (autres) investissements ont bien marché.

La gouvernance reste stricte, le gouvernement ne peut dépenser qu’une partie modeste des profits que le fonds génère en moyenne, sans jamais pouvoir toucher au capital. Cette part représente néanmoins pas loin de 20% du budget annuel de l’Etat. C’est sans doute un facteur qui contribue à la générosité du modèle social Scandinave, tant vanté et admiré à travers le monde.

Un actionnaire de référence mondial

Norges y est allé progressivement, mais a notamment décidé très tôt d’acheter des actions de sociétés cotés à travers le monde. Ils ont estimé — comme nous le soulignons régulièrement chez Cashbee d’ailleurs — que sur des durées très longues, le marché actions était statistiquement le plus susceptible de générer des rendements importants. Donc aujourd’hui Norges se trouve pour partie propriétaire de la quasi-totalité des sociétés côtés dans le monde. Ils sont aussi propriétaires d’immobilier et d’obligations pour des raisons de diversification évidentes. Mais ce qui nous semble le plus intéressant dans le développement du fonds est son engagement de plus en plus prononcé en matière de gouvernance, de protection de l’environnement et de responsabilité sociale.

Un géant à vision

Pendant longtemps Norges fut un investisseur passif, qui ne se manifestait que rarement lors des assemblées générales des sociétés dans lesquelles il avait investi. Mais cela a beaucoup changé ces dernières années.

Norges a ainsi vendu la totalité de ses investissements dans l’industrie du charbon. Le parlement norvégien a également voté une loi qui lui interdit d’investir dans l’industrie du tabac ou de l’armement nucléaire.

De manière plus concrète, le fonds s’invite maintenant chez les dirigeants de très grandes sociétés pour leur exprimer ses opinions. Ainsi le PDG de Citibank a été contacté au sujet de ses systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent. Celui de Microsoft a été invité à s’expliquer sur la rémunération de ses dirigeants. Et le PDG d’Amazon a été interpellé au sujet du respect des droits humains dans les entrepôts du groupe. 

Et quand les choses ne s’arrangent pas, Norges va plus loin. Ils ont voté publiquement contre un certain nombre de résolutions proposées par les équipes de direction de géants comme Apple, Facebook et Nestlé.

Il s’agit donc d’un investisseur de plus en plus actif, qui utilise sa puissance de feu financière considérable pour améliorer le monde, tout en mettant à l’abri le futur des générations de Norvégiens à venir. Et au regard de ses résultats, nous ne pouvons que conclure que finance verte et responsable, d'une part, et rendement, d'autre part, sont bien compatibles. 

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