Blaise Matuidi, champion du monde de football et ancien joueur du PSG et de la Juventus de Turin, vient de lancer un fonds d’investissement. Et il n’est pas le seul sportif de haut niveau à s’intéresser très concrètement à la finance. Comment ces athlètes en sont arrivés là et avec quels objectifs ?
Blaise Matuidi se lance dans le capital risque
Une démarche pas nécessairement évidente
Vous pourriez me dire, un joueur de foot multi-millionnaire qui place ses sous, ça n’a rien d’extraordinaire. Sauf que les athlètes professionnels ne sont pas formés pour le faire.
Comme le souligne Blaise Matuidi dans une récente interview, c’est presque le contraire. Les centres de formation des jeunes espoirs sportifs en France axent leurs enseignements sur le développement physique et mental des jeunes talents, pour en faire des compétiteurs de haut niveau. La finance n’a que peu de place dans le cursus.
Dans le passé, cela a parfois donné des résultats désastreux. La légende du foot anglais George Best a par exemple fini ruiné. Interrogé sur la façon dont il avait pu perdre sa fortune, il avait alors expliqué : “J’ai dépensé 90% de mon argent en femmes, alcool et voitures de luxe. Le reste, je l’ai gaspillé.” Un cas extrême sans doute, mais qui illustre à quel point certains sportifs professionnels peuvent se trouver démunis face à l’argent, particulièrement quand — et c’est le cas au football — ils y accèdent en très grandes quantités, et très jeunes.
Il faut aussi se rappeler que, si les carrières sportives peuvent être très lucratives, elles ne sont pas nécessairement longues. Il faut donc “coffrer” intelligemment.
Mais de là à s’impliquer soi-même dans l’investissement et à y consacrer de l’énergie et du temps, il y a plusieurs étapes à franchir.
Une démarche courante aux États-Unis
Pour Blaise Matuidi, l’idée de sérieusement s’impliquer dans le placement de son épargne s’est renforcée au contact de grands sportifs américains. Il en rencontre régulièrement après son arrivée à Miami en 2020. Et aux USA, les athlètes professionnels sont bien plus nombreux à se mettre à l’investissement.
Les basketteurs légendaires Magic Johnson, Michael Jordan et Shaquille O'Neal ont tous su se transformer en géants financiers, en adoptant des stratégies d’investissement différentes mais toutes fondées sur la prise de risque. “Notre” star de la NBA, Tony Parker en fait tout autant !
- Magic Johnson a ouvert 125 Starbucks avant de les revendre à la société mère ;
- Michael Jordan est devenu propriétaire de l’équipe des Charlotte Hornets, dont il a pris le contrôle pour 175 millions de dollars. L’équipe est aujourd’hui valorisée à plus d’un milliard. Par ailleurs, il a développé un partenariat très lucratif avec Nike ;
- Shaquille O'Neal investit depuis longtemps dans des sociétés technologiques comme Apple et Google ;
- Enfin, Tony Parker joue la diversification. Il a pris des parts dans des business aussi différents que des stations de ski dans les Alpes, une marque vestimentaire, et une société de foodtrucks. Sa dernière initiative n’est que le prolongement de cette seconde carrière en placements financiers : Tony Parker a rejoint le gérant de fortune Northrock Partners, afin de conseiller d’autres sportifs de haut niveau !
Une cinquième star de la NBA, LeBron James, s’est spécialisé dans l’investissement dans des start-ups. C’est justement avec lui que Blaise Matuidi a effectué plusieurs investissements, avant de créer son propre fonds.
Petit rappel sur le capital risque
Il existe toutes sortes de fonds. Les plus connus investissent en bourse ou dans des obligations. Fort de son expérience américaine, Matuidi a choisi de lancer un fonds de capital risque, ou de venture capital, comme on dit aux States !
Ce type de fonds VC (prononcez “Vee-Cee”) a pour objectif de fournir du capital à de jeunes sociétés, afin de leur permettre de se développer et de recruter. En contrepartie, le fonds de capital risque devient partiellement propriétaire de la start-up. En espérant que celle-ci se transforme en licorne (ces sociétés non cotées valant plus d’un milliard de dollars) ou qu’elle s'introduise en bourse. Le fonds VC réalise alors d’importants profits.
Ce sont des investissements à haut risque, car les fonds de capital risque investissent très tôt dans l’histoire d’une société, parfois même avant que celle-ci n’ait fini de développer son prototype, ou qu’elle ne commence à vendre ses services et générer des revenus. Ajoutez à cela le fait que des profits puissent mettre des années à se matérialiser, ou pire : que la start-up fasse faillite (ce qui arrive statistiquement à un nombre significatif d’entre elles). Vous comprenez pourquoi c’est un sport à sensations fortes.
Comment un sportif professionnel peut-il réussir dans le domaine ?
L’exemple d’Antoine Griezmann et Sorare
Blaise Matuidi n’est pas le seul à tenter l’aventure. Ainsi Antoine Griezmann, aux côtés d’un certain Gérard Piqué, a investi dans Sorare, la start-up du “Fantasy Football”. Moins d'un an après son investissement, Sorare procède à une nouvelle levée de fonds, valorisant la société à plus de 4 milliards de dollars ! Un exemple qui démontre que ce type de placement peut rapporter gros. Et qu’un sportif de haut niveau peut tout à fait réaliser de très beaux coups financiers.
L’avantage compétitif des grands joueurs : leur notoriété
Ces grands sportifs disposent d’un avantage concurrentiel déloyal : leur notoriété. Avec leurs millions de followers sur les réseaux sociaux, ils peuvent aisément mettre en avant les services de start-ups jusqu’alors inconnues. Et renforcer l’image de la jeune pousse.
Blaise Matuidi, avec ses plus de 5 millions de followers sur Instagram, l’a parfaitement compris. C’est pourquoi il a proposé à plusieurs autres sportifs connus d’investir dans son fonds, appelé Origins. N’Golo Kanté (13 millions de followers), Paulo Dybala (plus de 45 millions de followers), Olivier Giroud, Kingsley Coman, et Presnel Kimpembe ont répondu favorablement à sa proposition. Au-delà des footballeurs, Antoine Dupont, récent vainqueur du Grand Chelem avec la XV de France de rugby, a également investi.
La promesse d’Origins est donc différenciante pour les fondateurs de start-ups, à la recherche de capitaux. Car ce fonds propose, au-delà de l’argent injecté dans leurs boîtes, de mobiliser les 160 millions followers des associés du fonds pour aider à faire connaître les start-ups et leurs produits. Vous imaginez le coup de pouce pour une jeune société, d’être publiquement soutenue par plusieurs (anciens) membres de l’équipe nationale ?
Précisons que Blaise Matuidi a cofondé Origins avec des entrepreneurs expérimentés dans la tech, maximisant ainsi les chances de succès.
Un triple objectif
C’est évident, le but du fonds est bien de générer des rendements attractifs dans la durée pour ses investisseurs. Mais de son propre aveu, Blaise Matuidi souhaite aller plus loin, et affiche deux objectifs additionnels.
Premièrement, il a à cœur d’investir dans la tech et participer directement dans l’éclosion de nouveaux champions dans le domaine des services innovants pour le grand public. Deuxièmement, il veut aider d’autres joueurs de foot et sportifs professionnels à investir et ainsi mieux préparer leur avenir (et leur éventuelle reconversion).
Tout un programme, mais Blaise Matuidi n’a jamais manqué d’ambition. Comme il le dit lui-même, son nouveau défi est de “gagner la Coupe du monde des start-ups !”
M’Abonner
Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés