Dé-confinement progressif oblige, les grandes économies mondiales commencent timidement à se remettre en marche. Même s’il est difficile d’en anticiper la forme exacte, il est aujourd’hui certain que la reprise sera lente et que — malheureusement — certaines enseignes n’y survivront pas.
D’autres entreprises, à l’inverse, ont tiré leur épingle du jeu pendant cette crise ou consolidé une domination déjà incontestable avant la crise : les GAFA (pour Google Amazon Facebook Apple) auxquels nous rajoutons un M (pour Microsoft).
Des capitalisation boursières records
Après une brève correction pendant la panique boursière du mois de mars, le cours des actions GAFAM a rapidement remonté. La semaine dernière, la capitalisation boursière cumulée de ces cinq sociétés a atteint un nouveau record, et dépasse aujourd’hui son niveau d’avant la crise. Un exploit remarquable à deux titres.
D’abord relatif. Le CAC40, l’indice boursier de Parisien avait perdu presque 40% au début du mois de mars et demeure aujourd’hui toujours 26% en dessous de son plus haut. Il reste donc encore une sacré pente à remonter, et ce qui prendra sûrement des mois au CAC n’a demandé que quelques semaines aux GAFAM.
Puis absolu. Depuis leurs points bas respectifs touchés au mois de mars, la seule remontée des cours de ces géants de la tech correspond à une valeur boursière de 1,7 trilliard de dollars, soit la valeur de la totalité des sociétés qui composent le CAC 40.
Wait, but how ?
Les cours de bourse d’une société sont stimulés et influencés par de très nombreux facteurs. Dans le cas présent, il est possible que les actions des GAFAs aient bénéficiés de ce qu’on appelle un phénomène d’imitation : en période de crise, les investisseurs cherchent des valeurs refuge et ont tendance à suivre le troupeau. La stabilité apparente d’entreprises comme Facebook ou Microsoft a sans doute aidé à alimenter ce phénomène. Du reste, dans un contexte de taux négatifs, la demande pour des actions de toute société susceptible de verser un dividende est renforcée.
Mais ces facteurs “techniques” ne peuvent pas à eux seuls expliquer ces valorisations incroyables. Nous pensons que le phénomène souligne une tendance de fond : celle d’une accélération nette vers le digital. Les GAFAM se distinguent par leurs technologies, puissantes et adoptées à l'échelle mondiale. Et le fait qu’elles représentent aujourd’hui 24% de l’indice boursier S&P 500, soit 3% de plus qu’avant la crise, semble indiquer que les plateformes numériques avec le plus de clients seront les grands gagnantes de demain.
En affinant l’analyse, on remarque que les cours d’Apple et de Microsoft approchent de leur plus hauts historiques, alors qu’Amazon et Facebook les ont déjà dépassés. Et cela se comprend, car pendant plusieurs semaines, le shopping et les échanges interpersonnels sont devenu presque exclusivement numériques. Pour cela, pas d’autre choix pour les commerçants que de mettre en place et/ou renforcer les ventes en ligne (via e-shops et autres réseaux sociaux). Et pas d'autre choix pour les consommateurs que de se tourner vers des plateformes numériques, pour faire leurs achats ou tout simplement discuter. Facebook et Amazon avaient toutes les clés en mains pour faire face à cette situation.
Amazon, Facebook... mais pas que !
Ce sont eux qui possèdent aujourd’hui les plateformes les plus puissantes. Mais la ruée vers l’e-shop profite aussi à d’autres. Ainsi, la société Twilio qui améliore les échanges vocaux et la communication entre les apps et leurs utilisateurs a vu le cours de son titre augmenter de 49%. Les actions de la société Wix, qui permet à ses clients de construire des sites web, a bondi de 32%. La valeur de Shopify, qui propose une plateforme digitale clé en main pour les marchands, a gagné 46%. Et enfin Zoom, fournisseur de visio-conférences, a pris plus de 55%.
Une bonne chose ?
C’est la question à 1,7 trilliard de dollars : devons-nous nous méfier de ces géants technologiques, qui s’imbriquent peu à peu dans toutes les facettes de la vie économique, et sur tous les continents ?
La question est tout à fait légitime, et elle intervient alors que les pouvoirs publics en Europe comme aux Etats-Unis avaient déjà ouvert le débat sur l’encadrement des GAFAM avant la crise. Il s’agissait alors à minima de les réguler, afin de surveiller leurs activités de plus près, et au passage de s’assurer qu’ils paient un peu plus d’impôts. Mais dans l’environnement actuel, où la relance économique est une priorité absolue, ce débat risque bien d’être repoussé dans le temps.
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