Le vendredi 26 novembre, les marchés actions ont connu leur pire journée depuis le début de l’année. La quasi-totalité des indices boursiers a fortement chuté, tout comme le cours du pétrole d’ailleurs. En cause : un nouveau variant du coronavirus, le “Omicron”, apparu en Afrique du Sud et dont la propagation rapide fait craindre l’imposition de nouvelles mesures sanitaires strictes à travers le monde.
On pensait en avoir fini… mais...
Une cinquième vague ?
Le variant Omicron* inquiète les scientifiques à deux titres. Le premier est sa vitesse de propagation particulièrement élevée, probablement deux à trois fois plus rapide que les précédents variants d’après des observations préliminaires. Le second est son profil génétique, car on ne sait pas encore si les vaccins développés jusqu’à aujourd’hui seront totalement efficaces contre lui.
Le Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (ECDC) résume la situation en expliquant qu’il existe toujours « une incertitude considérable concernant la contagiosité, l’efficacité des vaccins, le risque de ré-infection et les autres caractéristiques du variant Omicron ». L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime quant à elle qu’il faudra « plusieurs semaines » pour mieux comprendre ce nouveau variant.
Comme vous le savez, il n’y a peu de choses que les investisseurs détestent plus que l’incertitude. Certains ont donc préféré prendre quelques profits et alléger leurs positions, en attendant que l’horizon s'éclaircisse. Ils ont été suffisamment nombreux à le faire en même temps pour que les bourses du monde entier décrochent.
*Petite anecdote pour votre culture générale : Omicron est en fait l’équivalent de Oméga mais en minuscule.
Une correction en quelques chiffres
Les marchés actions ont connu une journée difficile. Dans la seule journée de vendredi, l’indice MSCI actions monde a baissé de 2,2% et l’indice Eurostoxx 600, qui reflète l’évolution des bourses en Europe, a chuté de 3,7%. Quant au pétrole, le prix du baril à perdu plus de 10% !
Naturellement, cette baisse n’a pas affecté tous les secteurs de l’économie de la même façon. L’aviation et le tourisme ont pris une grosse claque, traduisant la crainte d’une baisse brutale du trafic aérien et des vacances à l’étranger. Les actions de British Airways, United Airlines, Lufthansa et Airbus ont toutes chuté de plus de 10%.
De l’autre côté du spectre, quelques sociétés ont vu leurs cours de bourse flamber. Les cours de Moderna et de Pfizer ont augmenté de 21% et de 6% respectivement. La valorisation des laboratoires médicaux Eurofins a pris près de 8%, tout comme le livreur de repas à domicile HelloFresh.
Bref, une bonne journée pour toutes les entreprises dont les activités profitent d’une détérioration de la situation sanitaire.
Quels éléments mettent de l’huile sur le feu ?
Nous connaissons bien le principe fondamental : quand il y a plus de vendeurs que d’acheteurs (autrement dit, quand l’offre est supérieure à la demande) les cours de bourse vont baisser, jusqu’à ce qu’un prix d’équilibre soit trouvé, auquel des acheteurs se manifesteront à nouveau.
Mais dans le détail, plusieurs facteurs contribuent à accélérer la chute des marchés financiers. En voici trois.
L’émotion et la peur
Quand les prix sur les écrans d’un trader ou d’un investisseur s’affichent tous en rouge, il est difficile de résister à la tentation d’agir. Les humains subissent un biais cognitif qui nous pousse à réagir face à un danger (perçu ou réel). Nous voulons faire quelque chose, même si la meilleure option pourrait justement être de ne rien faire et d’attendre que l’orage passe.
On voit bien comment ce phénomène peut se nourrir de lui-même, les ventes des uns, stimulant la crainte des autres. Et ainsi de suite.
Les systèmes de trading algorithmiques
De nombreux fonds et gestionnaires ont adopté des systèmes de trading algorithmiques, c’est à dire au moins en partie assistés par ordinateur. Ces fonds gèrent des centaines de milliards d’euros de placements de tout type. Conçus pour identifier et exploiter instantanément des petits décalages de prix que des opérateurs humains auraient du mal à trouver, ces systèmes déclenchent automatiquement des programmes de ventes lorsque certains paliers sont atteints.
Ce qui est typiquement le cas lorsque les marchés décalent brusquement. Construits pour identifier les tendances de marché et en tirer profit, les volumes de trading initiés de façon programmatique contribuent à amplifier ces décrochages soudains.
L’élargissement du spread entre prix d’achat et prix de vente
Les intermédiaires qui facilitent les échanges entre acheteurs et vendeurs proposent un prix auquel ils sont prêts à acheter un titre donné (le prix “bid”) , et un autre auquel ils sont disposés à vous le vendre (le prix “offer”). En temps normal, l’écart entre les deux, aussi appelé le “spread”, est très faible pour des titres dont les volumes d’échange au quotidien sont relativement importants.
Les courtiers vivent du volume d’échanges de titres qu’ils arrivent à attirer chez eux. La compétition féroce entre intermédiaires financiers les pousse à proposer des spreads serrés.
Mais quand la volatilité augmente et que les prix commencent à varier très vite, on comprend aisément qu’il peut être dangereux de maintenir des écarts entre prix d’achat et prix de vente très faibles. Lorsque de nombreux vendeurs se manifestent en même temps, un intermédiaire peut être “touché” sur son prix “bid”, sans avoir le temps de se retourner pour vendre à d’autres investisseurs à son prix “offer”, légèrement plus haut. Il risque même de perdre de l’argent.
Dans un contexte de baisse de marché, et notamment lors d’une correction brutale, les intermédiaires ont donc tendance à élargir ces fameux écarts de prix. Ce qui signale aux intervenants de marché plus largement que les intermédiaires craignent une forte baisse, et ce qui contribue donc, encore, à amplifier la crainte de cette correction.
Comment se protéger contre des corrections de marché ?
Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, il est très complexe, voire impossible de s’immuniser totalement contre des baisses de marché. Si une correction était prévisible, les investisseurs se mettraient à vendre juste avant son arrivée, ce qui la provoquerait.
L’utilité de la diversification
En revanche, ce type d’évolution de marché permet de souligner les avantages de la diversification. Un épargnant qui possèderait à parts égales des actions Airbus mais aussi des actions Moderna aurait fini la journée de vendredi en baisse sur Airbus, en hausse sur Moderna et donc sans grande variation sur la valeur totale de son portefeuille.
L’efficacité de l’investissement programmé
Par ailleurs, cela souligne aussi l’avantage d’investir régulièrement dans le temps. Si vous investissez une somme donnée tous les mois, cette correction peut piquer un peu, mais vous avez forcément investi à des moments où les cours étaient bien plus bas. La baisse récente ne devrait alors qu’effacer une partie des plus-values latentes.
Cette technique, appelé investissement programmé ou dollar-cost averaging dans le monde anglo-saxon, fera aussi que l’investisseur bénéficiera de points d’entrée plus favorables, puisque ses achats programmés futurs se feront à des cours plus attractifs.
Se rappeler de l’horizon d’investissement
À l’heure où nous rédigeons cet article, il est encore trop tôt pour juger si la correction de la semaine dernière n’était que passagère ou s’il s’agit d’un début de repricing, plus sérieux et durable dans le temps.
Il est possible que les optimistes l’emportent une fois de plus, et voient dans la récente baisse des cours une opportunité pour rentrer ou augmenter leurs positions, à des tarifs plus attractifs. Une approche qualifiée depuis des années par “Buy the Dip”, ou acheter le creux de la vague, qui a été très rentable pour ceux qui l’ont adoptée.
Inversement, il est vrai que juste avant vendredi dernier, les cours de bourse étaient au plus haut. Et que le marché semblait croire de façon quasi-universelle au scénario rose d’une sortie de crise relativement rapide, sans trop de pressions inflationnistes, fondé sur une demande des consommateurs forte. Un élément tangible comme un variant du Coronavirus résistant et rapide pourrait significativement perturber le scénario attendu.
Selon nous, la clé est de se souvenir de l’horizon long terme sur lequel les placements ont été faits. Il n’y a pas de doute que sur une période de 10 à 20 ans, les cours de bourse évolueront à la hausse, comme à la baisse. Mais il est statistiquement très probable que sur des durées aussi longues, la bourse aura monté.
M’Abonner
Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés