Jeudi dernier, l’once d’or s’est échangée à 2072 Dollars, à quelques centimes seulement de son plus haut historique. Cela représente une hausse de plus de 12% depuis le début de l’année. Pourquoi la valeur du précieux métal s’est-elle autant appréciée ? Et cette hausse pourrait-elle encore s’accentuer ?
Une tendance de fond ?
Le prix de l’once a régulièrement grimpé ces dernières années. Elle s’échangeait à un peu plus de 1 000 Euros en septembre 2018. Depuis, son prix a augmenté de 80% environ.
Comme de nombreuses autres commodités, son prix est fixé selon la loi de l’offre et de la demande, et c’est bien cette demande en hausse constante qui a fait flamber les prix.
Source : BullionByPost
Les banques centrales très friandes d’or
Rien qu’en 2022, selon le Conseil Mondial de l’Or, les ventes d’or ont augmenté de 18% pour atteindre plus de 4700 tonnes au niveau mondial, ceci, notamment sous l’effet de la demande des banques centrales.
En effet, sur le volume total d’échange, 21% concerne les banques centrales. Cela faisait plus de 50 ans qu’elles n’avaient pas acheté autant d’or. Et les plus gros acquéreurs semblent être les Russes et les Chinois.
Pourquoi acheter autant d’or ?
Il y a plusieurs réponses à cette question. De façon générale — et cela s’applique donc aussi aux banques centrales — dans un contexte géopolitique plus volatil et incertain, l’or constitue typiquement une valeur refuge pour ses acheteurs.
Mais dans le cas précis des banques centrales, elles ont probablement raison d’être plus prudentes que la moyenne. Elles ont pu observer récemment que les gouvernements des pays de l’Ouest, dont notamment les États-Unis, n’ont pas hésité à geler quelque 300 milliards de Dollars appartenant à la banque centrale Russe, dans le cadre des sanctions imposées suite à l’attaque de l’Ukraine.
S’il est possible de se faire immobiliser ses réserves en Dollars, est-il bien prudent d’en avoir autant sous cette forme ? Ou ne vaudrait-il pas mieux diversifier ses actifs et placer une partie de ses réserves dans un actif comme l’or, surtout si cet actif peut être physiquement stocké dans les coffres de la banque centrale ?
Pour certains banquiers centraux, les réponses à ces deux questions furent respectivement “non” et “oui”. Ainsi, au troisième trimestre de l’année dernière, la banque centrale turque était officiellement le plus gros acheteur d’or avec 31 millions de tonnes de ce métal. L’or représente aujourd’hui environ 29% de ses réserves. Elle était suivie de près par son homologue ouzbèque qui a acquis 26 tonnes d’or durant le même trimestre.
La Chine et la Russie (probablement) en tête
Les statistiques qui précèdent ne font que refléter les quantités d’or officiellement échangées et formellement déclarées comme faisant partie des réserves. Car de nombreux experts soupçonnent la Chine d’acheter des quantités d’or bien supérieures, mais sous le manteau.
Pour la Russie, c’est un encore différent. Le pays produit environ 300 tonnes d’or par an, qu’il a maintenant bien du mal à exporter à cause des sanctions économiques. C’est donc sa banque centrale qui les achète.
Notons enfin que l'accroissement des réserves en or des banques centrales, au dépens de la proportion de réserves maintenue en US Dollars, est également pour partie la manifestation pratique du désir politique de certaines d’entre elles de contribuer à la dé-Dollarisation du monde. C’est-à-dire à l’effort politique de rendre les échanges mondiaux (un peu) moins dépendants du Dollar américain.
D’autres contributeurs à la hausse du prix de l’or
Les banques centrales ont collectivement acheté plus de 200 tonnes du métal précieux depuis le début de l’année. Mais elles ont été rejointes par deux autres catégories d’acheteurs. Les consommateurs chinois se sont rués vers les bijoux en or depuis leur déconfinement récent.
Et les investisseurs américains ont été très secoués par la volatilité du secteur bancaire. Les faillites en cascade de la Silicon Valley Bank, de Signature Bank et, plus récemment, de First Republic font craindre une crise financière et augmentent le risque d’une récession économique aux US. Dans un tel scénario, l’or peut permettre de résister à la tempête éventuelle.
Le prix de l’or va-t-il continuer de grimper ?
C’est très difficile à dire. Les facteurs énumérés plus haut sont de nature à continuer de pousser son prix à la hausse.
Mais, il faut aussi noter qu’à plus de 2000 Dollars l’once, ce prix devient rédhibitoire pour certain. La population indienne par exemple, culturellement très attachée aux bijoux en or, a fortement réduit ses achats. Quand la demande diminue, les prix ne tardent pas à suivre.
Par ailleurs, les investisseurs qui cherchent à se mettre à l’abri ont le choix d’investir dans une multitude d’actifs prudents, parmi lesquels les obligations d’Etat. Ces dernières offrent une rémunération (contrairement au métal jaune qui, par définition ne génère aucun revenu pour son propriétaire) sous forme d’intérêt. Et cette rémunération est en hausse quasi constante depuis plusieurs trimestres, ici aussi grâce, ou à cause, des hausses de taux agressives menées par les banques centrales pour lutter contre l’inflation.
Il est donc impossible de prédire l’évolution future du prix de l’or. Ce qui est certain, c’est que cette commodité constitue un bon support de diversification.
Comment “acheter” de l’or ?
Si vous êtes également de cet avis, voici comment procéder.
Vous pouvez évidemment acheter de l’or physique (sous forme de lingots par exemple) dans des magasins spécialisés. Deux problèmes : cela exige un montant de départ important, car un lingot coûte aujourd’hui plus de 60 000 euros et il faut alors le stocker. Soit à la banque, ce qui entraîne un coût, soit chez vous, au risque de vous le faire voler.
Il est également possible d’investir via des intermédiaires. L’app Cashbee propose par exemple un pack d’investissement “Or et matières premières”. Ce dernier vous expose non seulement à l’or, mais aussi à l’industrie aurifère. Vous pouvez y accéder à partir de 1000 euros, en quelques clics, depuis votre canapé — et vendre vos positions avec la même simplicité. Un peu plus pratique que de trimballer des lingots.
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