Jinping devient le dirigeant incontesté de la Chine
La semaine dernière, Xi Jinping a obtenu le soutien inconditionnel du parti communiste chinois pour diriger le pays... pour un troisième mandat de 5 ans ! C’est déjà une évolution notable, dans la mesure où ce poste était auparavant limité à deux mandats consécutifs.
Il en a profité pour remanier le Comité Permanent (ou Politburo), la plus haute instance politique du pays. Les 6 hommes qui le rejoignent — car il s’agit bien uniquement d’hommes — partagent une caractéristique clé : ils ont tous travaillé avec ou pour Xi Jinping dans le passé, et lui vouent une loyauté inconditionnelle.
C’est une seconde évolution des usages car, jusqu’ici, le Comité Permanent était composé d’hommes politiques issus de différentes factions au sein du parti communiste — plus ou moins pro-marché, plus ou moins favorables au développement économique… En installant uniquement des fidèles à l’intérieur du Comité Permanent, et en se débarassant des autres, Xi a virtuellement éliminé toute opposition politique. Un grand pas pour la démocratie...
La bourse chinoise s’effondre
Contrairement aux membres du parti communiste, les marchés financiers n’ont pas applaudi la nouvelle.
Une baisse des actions chinoises
L’indice de la bourse de Hong Kong, le Hang Seng, a chuté de plus de 6%. La réaction a été encore plus violente à la bourse de New York, où des géants comme Alibaba, Pinduodou et Baidu, ont choisi d’être également côtés. L’indice Golden Dragon qui les regroupe a chuté de plus de 20%.
Pour donner un peu de contexte, cette baisse brutale, combinée avec la baisse graduelle des valeurs chinoises depuis le début de l’année, a fait tomber l’indice au niveau auquel il était avant que Xi Jinping accède au pouvoir, il y a 10 ans. Toujours à titre d’exemple, le cours de l’action d’Alibaba, emblématique de la réussite technologique chinoise, est tombé sous celui auquel la société avait été introduite en bourse il y a huit ans.
La correction plus forte à New York révèle aussi sa cause principale : ce sont les investisseurs étrangers qui ont massivement vendu les actions et autres actifs chinois qu’ils détenaient.
Le renminbi également sous pression
Le renminbi a dégringolé contre les devises étrangères. En baisse depuis quelques trimestres, il touche son plus bas contre le Dollar (avant de reprendre quelques couleurs dans les jours suivants). C’est logique, après avoir vendu des actifs — comme des actions par exemple — les mêmes investisseurs étrangers ont tout de suite échangé les renminbi obtenus contre des devises étrangères. Quand on ne fait plus confiance à une économie, on ne garde pas une exposition à sa monnaie !
Les multiples craintes du “marché”
L’idéologie pourrait remplacer le pragmatisme
La perception est que le Comité Permanent manque cruellement de membres qui soient “pro-marché” et qui possèdent de solides compétences économiques. Et les déclarations de Xi Jinping rajoutent de l’huile sur le feu.
Dans son discours de réélection, Xi Jinping mentionne le mot “sécurité” 91 fois. Que ce soit pour réunifier son pays avec Taiwan par tous les moyens, ou pour fortifier les sociétés chinoises face à “des tentatives externes de chantage, de blocus et de pressions maximales sur la Chine”. Ce qui fait craindre une potentielle instabilité géopolitique. Et, à minima, un frein aux échanges commerciaux internationaux.
Par ailleurs, il a insisté sur son objectif de “prospérité commune”. En soi un objectif louable. Mais les investisseurs craignent que cela implique de nouveaux impôts sur la fortune et les gains en capitaux. Ce qui pourrait faire fuir les entrepreneurs à succès.
Enfin, certains craignent que cela se traduise par une répression des firmes technologiques les plus performantes et de leurs dirigeants. Dont certains ont déjà été fermement rappelés à l’ordre, ou même emprisonnés. Souvenez vous de Jack Ma, fondateur star d’Alibaba, qui a disparu subitement pendant des mois, avant de revenir… pour officiellement démissionner et devenir beaucoup plus discret qu’avant.
L’exemple de la politique zéro-Covid
Le “zéro-Covid” est l’exemple le plus récent du manque de pragmatisme de la nouvelle équipe dirigeante. Pour l’anecdote, Li Qiang, dirigeant du parti communiste à Beijing et récemment promu au Comité Permanent était aussi l’homme à l'origine d’un confinement (très) dur et (trop) long sur l’une des régions les plus prospères de Chine.
Dans le pays où on ne supporte pas le moindre risque sanitaire, Disneyland Shanghai ferme, potentiellement pendant des semaines, après la détection d’un seul cas de Covid. Dans la ville de Zhengzhou, et malgré une prime généreuse, des ouvriers et des techniciens essaient de quitter la ville en anticipation d’un énième confinement. Ils mettent ainsi à l’arrêt la fabrication des puces électroniques par le géant Foxconn. Ce type de décision fait douter les investisseurs sur la compétence, le pragmatisme et l’expertise économique des dirigeants, nouvellement nommés.
Idée à contre-courant : et si c'était le moment d’y aller ?
Pour certains investisseurs internationaux le risque d’interférence politique est devenu trop important : ils sont sortis du marché chinois. Mais après la récente correction, les valorisations des sociétés chinoises sont tombées à des niveaux que l’on pourrait juger comme étant attractifs.
Le Price Earnings Ratio, qui mesure le multiple des bénéfices futurs auquel s’échangent des actions, est tombé à un niveau historiquement bas pour les valeurs incluses dans l’indice Hang Seng. À un peu plus de 6 fois les bénéfices il est aussi particulièrement attractif par rapport aux autres grands indices boursiers. Par comparaison, celui du S&P 500 se situe autour de 20 et celui du Nasdaq à 23 fois les bénéfices.
À ces niveaux, il est possible de soutenir que le marché chinois constitue une opportunité d’investissement d’un point de vue purement financier.
Le futur du marché chinois sera donc déterminé par le tiraillement entre la recherche de valeur économique et les valeurs tout court.
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