Le désengagement climatique des géants financiers américains : un tournant pour l'ESG ?

Jan 13, 2025

En ce début d'année, le monde de la finance américaine connaît un bouleversement majeur dans son approche des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Un mouvement de retrait sans précédent des grandes institutions financières américaines des initiatives climatiques mondiales soulève des questions cruciales sur l'avenir de la finance durable aux États-Unis et dans le monde.

Le retrait en cascade des géants financiers

BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde avec 11 475 milliards de dollars d'actifs sous gestion, a récemment annoncé son retrait de la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAM). Cette décision fait suite au départ des six plus grandes banques américaines - JPMorgan, Bank of America, Wells Fargo, Citigroup, Goldman Sachs et Morgan Stanley - de la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) au cours des dernières semaines.

Ces retraits interviennent dans un contexte politique tendu, marqué par l'élection de Donald Trump, le candidat climato-sceptique républicain, à la présidence des États-Unis le 5 novembre 2024. Ce changement politique a ravivé les débats sur les engagements climatiques et ce que certains appellent le "woke capitalism".

Les raisons invoquées

BlackRock justifie son retrait par la "confusion créée par son adhésion" et les "procédures judiciaires engagées par différentes autorités publiques". Cette décision fait écho aux pressions exercées par plusieurs États républicains qui ont instruits les fonds de pension publics de retirer leur épargne de BlackRock, estimant que les efforts du gérant en matière de protection de l'environnement nuisaient aux activités pétrolières de leurs États. Or ces activités représentent beaucoup d'emplois et de revenus pour ces États.

Les banques, quant à elles, n'ont pas toutes fourni de raisons précises pour leur retrait de l'Alliance. Cependant, il est clair que ces décisions s'inscrivent dans un contexte politique particulier, avec le retour au pouvoir de Donald Trump, connu pour son scepticisme prononcé envers le changement climatique.

L'impact sur la lutte contre le changement climatique

Ces retraits soulèvent des inquiétudes quant à leur impact sur les efforts de lutte contre le changement climatique. Les alliances NZAM (pour les gestionnaires d'actifs) et NZBA (pour les banques) visaient à aligner les activités financières avec l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050. Le désengagement de ces acteurs majeurs signifie une réduction potentielle de leurs engagements en faveur du climat, de la transition énergétique et de la protection de la planète. L'impact est d'autant plus significatif que les institutions financières américaines figurent parmi les plus grandes du monde. En juillet 2024, la NZAM comptait plus de 325 membres représentant 57.500 milliards de dollars d'actifs sous gestion. Le retrait de BlackRock et d'autres acteurs majeurs réduit considérablement la portée de ces initiatives.

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Les facteurs explicatifs de ce revirement

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce revirement :

  1. Pressions politiques : Les institutions font face à des pressions accrues de la part des républicains, de retour au pouvoir, qui critiquent ce qu'ils appellent le "woke capitalism".
  2. Implications juridiques et réglementaires : Les institutions s'inquiètent des conséquences légales de leurs engagements, notamment sur la question de privilégier certaines entreprises au détriment d'autres.
  3. Contexte politique : Le retour de Donald Trump au pouvoir crée un environnement politique hostile aux initiatives climatiques, avec un président qui brandit volontiers la menace de mesures punitives à tous ceux qui ne voudraient pas adhérer à ses convictions.
  4. Enjeux économiques : Certains États, notamment ceux dépendant de l'industrie pétrolière, voient ces engagements comme une menace pour leur économie. Ils n'hésitent pas à flécher l'épargne importante qu'ils contrôlent (notamment à travers les fonds de pension des fonctionnaires) vers des gestionnaires d'actifs qui ne tiennent pas compte de critères ESG dans leurs allocations.

L'avenir incertain de la finance durable aux États-Unis

Malgré ces retraits, l'avenir de la finance durable aux États-Unis n'est pas totalement compromis. De nombreuses institutions maintiennent leurs engagements individuels pour la neutralité carbone. De plus, la pression des investisseurs et des consommateurs pour une finance plus responsable reste forte, même si elle est bien plus forte en Europe qu'aux États-Unis.

Par ailleurs, les institutions financières - aux USA comme ailleurs - se trouvent dans une position délicate. Car elles doivent équilibrer les pressions politiques et les risques juridiques d'une part, avec les demandes du marché pour une finance plus durable d'autre part. En effet, les investisseurs qui exigent que leur argent soit déployé de façon responsable ont tout autant la possibilité de flécher leur épargne vers des gestionnaires qui adoptent des stratégies de placement vertueuses. Et un nombre grandissant d'investisseurs tiennent compte des facteurs ESG dans l'allocation de leur capital. Cette situation reflète un débat plus large sur le rôle des entreprises dans la société et leur responsabilité face aux enjeux environnementaux et sociaux.

Perspectives et enjeux

Ce mouvement de désengagement des initiatives climatiques soulève plusieurs questions cruciales pour l'avenir :

  1. Impact sur les objectifs climatiques mondiaux : Comment ces retraits affecteront-ils la capacité du secteur financier à contribuer à l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 ? Il n'y a pas de doute que l'allocation du capital (dans laquelle les banques et les gestionnaires d'actifs jouent un rôle crucial) impactera la transition énergétique.
  2. Évolution de la réglementation : Les autorités réglementaires vont-elles adapter leur approche face à ce recul des engagements volontaires ?
  3. Réaction des investisseurs et des consommateurs : Comment le marché réagira-t-il à long terme à ce désengagement des institutions financières ? Les institutions financières qui investissent de façon socialement responsable vont elles gagner ou perdre des parts de marché ?
  4. Positionnement des institutions européennes et asiatiques : Les institutions financières d'autres régions suivront-elles cette tendance ou maintiendront-elles leurs engagements ?

En conclusion, le désengagement des géants financiers américains des initiatives climatiques marque un tournant significatif dans l'approche de l'ESG. Bien que représentant un recul certain, il ne signifie pas nécessairement la fin des efforts en matière de finance durable. L'évolution de ce phénomène dépendra largement de la réaction des régulateurs, des investisseurs et des consommateurs dans les mois et années à venir. Le défi pour les institutions financières sera de naviguer entre les pressions politiques, les risques juridiques et les attentes croissantes du marché pour une finance plus responsable et durable.

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