La demande pour les fonds d'investissement axés sur le climat en forte baisse

Jan 30, 2024

La sensibilité des épargnants au changement climatique est croissante et les fonds éco-responsables mis en avant par les gestionnaires sont en augmentation constante. Mais dans la pratique les ventes des fonds dédiés au climat sont …. en forte baisse ! Explications.

Les ventes en baisse de 75% en deux ans

Commençons par les faits. En se basant sur les chiffres de Morningstar, les fonds communs de placement (FCP) dédiés au climat ont attiré un peu moins de 38 milliards de Dollars d’investissement au niveau mondial en 2023.

Cette somme se compare à un record de collecte de plus de 150 milliards de Dollars en 2021. En termes de volume de collecte, l’année dernière constitue la pire année depuis 2019. Or, l’année 2019 est bien l’année durant laquelle l’intérêt pour les placements “verts” a véritablement décollé, après des années de croissance dans le domaine des investissements ESG (pour Environnement, Social et Gouvernance).

D’ailleurs, de façon plus générale, le ralentissement des investissements thématiques “climat” intervient dans un contexte où les investisseurs ont commencé à accentuer leurs retraits du secteur des fonds labellisés ESG. Cette tendance a conduit à une baisse nette de 2,5 milliards de Dollars des encours investis en fonds ESG au dernier trimestre 2023. Il s’agit-là tout simplement de la première baisse trimestrielle dans l’histoire du secteur ESG. Pour être intellectuellement juste, soulignons que de très nombreux fonds de placements conventionnels ont également souffert de rachats, motivés par la hausse des taux.

Des performances financières décevantes

Les raisons derrière le déclin de la demande pour des placements axés sur le climat sont nombreuses.

La première est sans doute que bon nombre de fonds de ce type n’ont pas délivré des performances financières satisfaisantes, en absolu et relatif à celle des fonds conventionnels.

C’est compréhensible. La guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques, notamment autour de la Mer Rouge, ont fait flamber le cours du pétrole et le cours des actions entreprises de l’armement. Or il s’agit de deux secteurs qui sont typiquement exclus des portefeuilles des fonds climatiques.

Dans le même temps, les fournisseurs d’énergies renouvelables ont dû faire face à des perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement, des coûts de production en hausse et des coûts de financement plus élevés (suite à la hausse des taux). Les cours de bourse de ces entreprises ont logiquement souffert. Ainsi, le cours des actions du groupe énergétique danois Orsted et du fabricant des pompes à chaleur Nibe ont été divisés par deux depuis 2021.

Pour illustrer cette baisse des valorisations plus largement, l’indice S&P/TSX Énergies Renouvelables et Technologies Propres a chuté de plus de 36% entre la fin de l’année 2021 et 2023.

Dans ce contexte, certains investisseurs ont réduit (voir éliminé) leurs expositions au secteur climatique.

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L’attrait des fonds monétaires, dans un contexte de taux élevé

Plus largement, en 2023, les investisseurs ont déplacé des sommes importantes de leurs placements risqués (fonds communs de placement en actions) vers des fonds monétaires, à la suite de la hausse des taux. Avec des taux d’intérêts à 4% ou même 5% (en Dollars) ces produits monétaires, au profil de risque très prudent, sont devenus très attractifs.

Ainsi, selon la société d’analyse EPFR, les fonds monétaires aux US ont collecté presque 1,19 trilliard (c’est-à-dire 1 190 milliards) de Dollars pendant les onze premiers mois de l’année 2023.

Ce phénomène a naturellement également affecté les fonds actions axé sur le climat.

Le lobbying anti-woke aux États-Unis

Le lobbying anti-woke aux USA est sans doute une raison supplémentaire pour laquelle les fonds climats ont enregistré des sorties en 2023. Certains États américains, notamment ceux dont l’économie est dépendante de l’industrie du pétrole, ont publiquement accusé certains gestionnaires, dont Blackrock, d’être allé trop loin dans le domaine ESG. 

Ils menacent de retirer les fonds publics (retraites des fonctionnaires) investis chez des gestionnaires qui accentueraient trop l’aspect responsable de leurs placements. Leur argumentaire étant qu’en adoptant des stratégies d’investissement restrictifs, ils risquent de faire passer les épargnants à côté d’une performance financière potentiellement plus élevée.

Le greenwashing créé le doute

Dernier point : les investisseurs convaincus de la nécessité de stimuler la transition énergétique à travers l’allocation de leur épargne, peuvent légitimement avoir des doutes sur la façon optimale de le faire dans la pratique. En effet, en l’absence de règles uniformes régissant l’investissement responsable, leur confusion est compréhensible. Comment distinguer entre les fonds labellisés ESG, ISR, et Greenfin ? Comment choisir entre les fonds qui procèdent par exclusion de secteurs polluants, et ceux qui sélectionnent les entreprises les plus vertueuses, sans s’interdire d’investir dans des entreprises pétrolières par exemple ?

Par ailleurs, le manque de clarté dans le domaine crée également la possibilité pour les entreprises côtées de s’afficher comme étant vertueuses, sans véritablement l’être. C’est ce qu’on appelle le greenwashing

Pas d’alarmisme exagéré : la thématique climat continue d’intéresser

Ne soyons pas alarmiste pour autant. Les souscriptions sont en baisse, mais les fonds climat continuent de collecter des encours, soulignant l’intérêt fondamental pour ce secteur. Malgré le ralentissement de la demande en 2023, les encours globaux, investis en fonds climat ont atteint 522 milliards de Dollars, en hausse de 14%, selon le Financial Times. 

Donc la croissance s’est ralentie, mais le secteur continue d’attirer l’épargne, même dans un contexte moins propice aux placements risqués et plus favorable aux produits de taux, comme les fonds monétaires ou obligataires.

Ce qui montre bien que la tendance profonde demeure : les investisseurs individuels prennent de plus en plus conscience du rôle que peut (et certains diraient, doit) jouer leur argent pour accélérer la transition énergétique. Et les investisseurs institutionnels le savent bien aussi. Par conviction et/ou par intérêt commercial, ces derniers ajustent graduellement leurs stratégies d’investissement (en moyenne).

Le financement de la transition énergétique toujours cruciale

Ça tombe bien car, pour conclure, les besoins financiers pour assurer la transition énergétique sont colossaux. Et les décideurs politiques insistent régulièrement sur le rôle important que devront jouer les fonds privés, à côté des financements publics, pour apporter les financements nécessaires.

Or, les incitations financières pour dédier une partie de votre épargne à long terme à cette thématique sont bien en place.

La transition des énergies fossiles vers des énergies renouvelables ne cesse d’être soulignée comme étant indispensable à la protection de la planète et une nécessité absolue par les pouvoirs politiques à travers le monde. Au sommet des Nations Unies en décembre dernier, l’objectif affiché de tripler la capacité de production d’énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030 fut de nouveau affirmé.

Si l’on estime que cette tendance est aussi forte que répandue, investir dans les sociétés qui y contribuent (et qui devraient donc prospérer) devrait logiquement - et sur des durées longues - être rentable en plus d’être socialement responsable.

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