L'inflation est maîtrisée, mais l'anxiété domine chez les consommateurs

Nov 12, 2024

L’amplitude de la récente victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine de 2024 a surpris de nombreux observateurs, notamment en raison du contexte économique qui semblait, sur le papier, favorable à l'administration sortante. En effet, sous la présidence de Joe Biden, l'inflation galopante qui avait inquiété les Américains en 2022 avait été largement maîtrisée. 

Pourtant, le mécontentement des classes moyennes face à l'augmentation du coût de la vie a joué un rôle déterminant dans le choix des électeurs. Comment expliquer ce paradoxe apparent entre les indicateurs économiques et le ressenti de la population ?


Un phénomène qui dépasse les frontières américaines

Ce décalage entre la réalité économique et la perception des citoyens n'est pas propre aux États-Unis. On observe des tendances similaires dans de nombreuses démocraties occidentales. 

En France, au Royaume-Uni et au Japon, les partis au pouvoir ont récemment souffert dans les urnes, en partie à cause de la colère des électeurs concernant l'augmentation du coût de la vie. L'inflation s'annonce également comme un enjeu majeur des prochaines élections en Allemagne et au Canada.

L'inflation maîtrisée : une réalité statistique

D'un point de vue purement statistique, l'inflation a effectivement été maîtrisée dans de nombreux pays de l'OCDE. Les banques centrales, dont l'objectif est généralement de maintenir un taux d'inflation autour de 2%, ont réussi à ramener ce taux à des niveaux acceptables dans la moitié des pays membres. C'est notamment le cas en France, en Italie, au Royaume-Uni et au Canada, comme l’illustre le graphique suivant, qui montre l’évolution de l’inflation au sein de la zone euro : 

Source : Financial Times

Le ressenti des consommateurs : une toute autre histoire

Malgré ces chiffres encourageants, les consommateurs continuent de ressentir une forte augmentation du coût de la vie. Cette perception n'est pas infondée : dans les pays de l'OCDE, les prix des biens ont en moyenne augmenté de 30% depuis la fin de l'année 2019, et ce chiffre atteint même 50% si l'on considère uniquement les prix de la nourriture.

Source : Financial Times

Plusieurs facteurs expliquent ce décalage entre les statistiques officielles et le ressenti de la population :

La mémoire des prix

Les consommateurs ont tendance à se souvenir des prix passés de certains produits de base, comme le pain, le beurre ou les pâtes. Ces produits, souvent emblématiques du panier de courses, servent de points de repère pour évaluer l'évolution du coût de la vie.

Le temps d'adaptation 

Selon certains économistes, il faut au moins 18 mois pour que les consommateurs s'habituent à un nouveau niveau de prix. Cette période d'adaptation peut entretenir un sentiment de cherté prolongé.

Le contraste avec le passé récent

Les décennies qui ont précédé la récente période inflationniste ont été marquées par une inflation très basse, voire nulle par moments. Ce contraste accentue la perception d'une hausse brutale et injuste des prix.

L'augmentation des salaires perçue différemment 

Bien que les salaires aient également augmenté durant la période inflationniste, cette hausse est perçue différemment par les travailleurs. Ils estiment avoir travaillé et s'être battus pour obtenir ces augmentations, alors que la hausse des prix leur a été imposée par des facteurs externes. 

A cela s’ajoute que pour certaines catégories de la population, les retraités par exemple, les revenus n’ont pas été ajustés au même rythme que l’augmentation des prix.

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L'inflation comme arme politique

Face à ce mécontentement généralisé, l'inflation et la hausse du coût de la vie sont devenues des arguments de poids pour les partis d'opposition dans de nombreux pays.

En Allemagne, par exemple, l'extrême droite et l'extrême gauche utilisent cet argument avec un succès croissant. Les sondages indiquent que ces deux partis pourraient recueillir un quart des votes lors des prochaines élections, un record historique. Parmi leurs électeurs, plus de 75% s'inquiètent de ne pas pouvoir maintenir leur niveau de vie actuel, contre 44% pour l'ensemble de la population allemande.

Au Canada, le leader de l'opposition, Pierre Poilièvre, a fait de la crise du coût de la vie son cheval de bataille contre le Premier ministre Justin Trudeau. Malgré une inflation officielle de seulement 1,6%, cette stratégie semble porter ses fruits : pour plus d'un tiers des Canadiens, le pouvoir d'achat reste la priorité absolue.

Le cas particulier des États-Unis

Dans le contexte de l'élection présidentielle américaine de 2024, cette dynamique a joué un rôle crucial. Donald Trump a su capitaliser sur le mécontentement des classes moyennes, malgré les efforts de l'administration Biden et de la Federal Reserve pour maîtriser l'inflation.

Même si l’inflation a été domptée relativement rapidement par la Fed, l’augmentation brutale de l’inflation a suffit pour ébranler la confiance des électeurs. Leur niveau de confiance a fortement chuté en 2020, et qui n’a toujours pas retrouvé sa moyenne de 100, après avoir trouvé son plus bas en 2022. 

L’indice de confiance des consommateurs aux US (100 = la moyenne)

Source : Financial Times

Conclusion : l'importance de la perception dans le débat économique

L'élection de Donald Trump en 2024, malgré une inflation maîtrisée sous l'administration Biden, illustre l'importance cruciale de la perception économique dans le débat politique. Ce phénomène, observé dans de nombreuses démocraties occidentales, souligne le décalage qui peut exister entre les indicateurs macroéconomiques et le ressenti quotidien des citoyens.

Pour les dirigeants politiques, la leçon est claire : il ne suffit pas d'afficher de bons chiffres économiques pour convaincre les électeurs. Par ailleurs, les moyennes cachent des réalités disparates. Si certains ont vu leurs revenus augmenter en ligne avec l’inflation, des catégories de la population (dont les retraités) ont réellement perdu en pouvoir d’achat.

Dans un monde où l'information circule rapidement et où les réseaux sociaux amplifient les perceptions individuelles, les responsables politiques doivent apprendre à naviguer entre la réalité économique et le ressenti de la population. C'est dans cet espace, entre les chiffres et les émotions, que se joue désormais une grande partie du débat politique et économique.

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