Connaissez vous la réduflation?

Aug 10, 2021

Laissez-nous vous raconter l’histoire d’Edgar Dworsky. 

Ancien avocat spécialiste de la protection des consommateurs, Edgar Dworsky continue, même après sa retraite, d’éditer le site web Mouseprint.org. Sa mission : exposer au grand jour les arnaques cachées dans les petites lignes de certaines publicités, packagings… ou tout ce qui pourrait influencer nos comportements d’achat.

More is less

Il y a quelques semaines, monsieur Dworsky entre dans une grande surface et se met en recherche de ses céréales favorites : les Cheerios Apple Cinnamon. Il en attrape un paquet sur le rayon et remarque, presque sans y prêter attention, que la boîte a quelque chose de différent. Il se dirige vers la caisse, règle les 3,99$ habituels et sort.

De retour chez lui, il ouvre machinalement le placard de sa cuisine et tente, sans succès, d’y ranger le paquet de céréales. Son intuition ne l’a pas trompé : la boite est effectivement plus grande de quelques centimètres et ne tient plus sur son étagère. 

Après des années passées à déjouer les manipulations commerciales de grands industriels, il se met, presque par réflexe, à comparer le nouveau paquet avec l’ancien. Ce changement de taille ne cache-t-il pas quelque chose d’autre ? Son enquête ne dure pas longtemps : le poids net a... baissé ?! 

Et pas qu’un peu ! 5% de moins qu’avant. Une perte équivalente à un bol de céréales… pour le même prix. Tout ceci habilement emballé dans un paquet qui, lui, laisse penser le contraire.

Ceci n’est pas une pinte

Cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de petites manipulations dont se servent les industriels et commerçants pour augmenter (ou du moins protéger) leurs marges. 

Car l’être humain voyez-vous est beaucoup plus sensible au prix ou à la taille d’un produit qu’à son poids net. 

Prenons un autre exemple : vous vous êtes déjà fait servir une pinte dans un verre comme celui-ci ? 

Sachez qu’ils font le plus souvent autour de 45cl, là où une vraie pinte doit théoriquement en faire 50. Vous n’y avez pas prêté attention, mais le barman vous a vendu 10% de bière en moins, pour le même prix. 

Ce phénomène de réduflation (shrinkflation en anglais) existe principalement dans l’univers des produits de grande consommation : alimentaire, cosmétiques, produits d’entretien. Ce graph, extrait d’une étude menée au Royaume uni entre 2015 et 2017, l’illustre bien.


Une... conséquence (?!) de l’inflation

Dworsky explique que la shrinkflation se produit le plus souvent “lorsque les industriels subissent une forme de pression”. Par exemple, quand le coût de leurs matières premières augmentent — autrement dit : lorsqu’ils sont victimes de l’inflation.

Il y a quelques temps, leur habitude était de répercuter cette hausse sur le prix de leurs produits. Ils adoptent aujourd’hui l’approche inverse : ce ne sont plus les prix qui montent, ce sont les quantités qui baissent. L’effet est le même, mais la manœuvre est beaucoup plus discrète pour le grand public.

L’argument économique peut s’entendre. Mais la dimension écologique que certains y associent ne manque pas de sel.

General Mills — le groupe derrière les fameux Cheerios Apple Cinnamon — explique par exemple dans un communiqué que “Ce changement [de taille de paquet] permet un chargement plus efficace dans nos camions qui aide à réduire le nombre de trajets et de barils d’essence consommés. Une mesure nécessaire pour diminuer nos émissions de carbone”.

Bon...

La question est maintenant de savoir si, dans un scénario inflationniste, certains fabricants oserait aller dans les deux sens en même temps : vendre plus cher qu’avant (Inflation) ET pour moins de volume (réduflation).

On ne l’espère pas. Ce qui est certain, c’est que si l’inflation est souvent dangereuse pour l’épargnant, elle l’est aussi de plus en plus pour le consommateur.


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