La liquidité en finances

Mar 16, 2020

La liquidité est une notion financière tellement banalisée qu’elle désigne souvent l’argent que nous avons en poche, le « liquide ». Mais c'est dans les moments d'incertitude et de fluctuations fortes - comme celle que nous vivons ces jours-ci - que le concept de liquidité prend toute son importance, et que l'on se rend rapidement compte combien elle nous manque (et combien elle peut nous coûter) quand elle disparaît.

Définissons “la liquidité”

La liquidité décrit le niveau de facilité avec lequel nous pouvons vendre ou acheter un titre donné.

Imaginez devoir vider un verre de miel et un verre d'eau. Le miel est dense et s'écoule lentement. L'eau est fluide et s'écoule très vite. C'est pareil avec les marchés : certains titres sont très faciles à déplacer, d'autres sont plus "visqueux".

Prenons maintenant un exemple réel : Apple est une société mondialement connue, cotée en bourse, avec 4,3 milliards d’actions en circulation, dont 31 millions changent de mains tous les jours en moyenne. Et comme il y a de nombreux acheteurs et de vendeurs d’actions Apple, ces titres s’échangent normalement facilement, on dit alors que l'action Apple est liquide. Il est très facile d'en vendre ou d'en acheter — c'est à dire de vider ou de remplir un verre d'Apple.

Dans une toute autre échelle, il y a quelques 240 milliards de dollars des bons du Trésor américain, ou US Treasuries, qui s’échangent quotidiennement. Les obligations d’État américain sont donc une classe d'actif extrêmement liquide. Bien plus encore que l'action Apple. Ici, vider ou remplir le verre est quasi instantané.

Pourquoi c'est important aujourd'hui

Dans un marché normal, les prix évoluent progressivement. Quand Apple annonce de bonnes nouvelles, cela peut déclencher des envies d’achats auprès de certains épargnants, qui vont alors placer leurs ordres. S’ils sont suffisamment nombreux, cela fera grimper marginalement le cours de bourse de l’action Apple, car il leur faudra payer un peu plus cher que la veille pour trouver des investisseurs prêts à vendre leurs titres.

Comme il existe énormément de détenteurs d'actions Apple, que les prix auxquels se font les achats et les ventes sont publiquement affichés quasi-instantanément, et que de nombreux courtiers sont prêts à acheter ou vendre ce titre en permanence, cela nous permet d’avoir une grande confiance dans la valeur affichée de l’action Apple. L'épargnant qui aime investir en bourse est à peu près certain de pouvoir acheter ou vendre l'action Apple au prix indiqué sur son écran (qui évolue en temps réel selon l'offre et la demande).

Pour les obligations d’État américaines, cette confiance dans le prix affiché est cruciale, car les US Treasuries jouent un rôle de référence pour de nombreuses autres transactions financières. Des prêts bancaires sont indexés sur son taux d’intérêt. Les coupons des obligations émises par de grands groupes industriels sont calculés par rapport à son rendement. C’est un instrument de choix pour des opérations de couverture. Enfin, il s’agit d’un actif que de nombreux épargnants achètent lorsqu’ils souhaitent s’extraire du marché actions, c'est à dire quand ils veulent se mettre à l’abri. Les US Treasuries, au même titre que l'or ou encore le bon vieux compte courant sont souvent désignés comme valeurs refuges, en temps de crise.

Étant donné l'importance des US Treasuries dans le système financier, il est indispensable de pouvoir vendre ou acheter rapidement ces titres (parfois en quantité importante) et d'avoir confiance dans le fait que le marché le permettra. La bonne nouvelle, c'est que comme toutes les grandes banques interviennent sur ce marché gigantesque, tous les jours, sans interruption, cette confiance est maintenue et la liquidité de cette classe d'actifs n'est pas remise en question.

Jusqu'au moment... où elle l'est.

Quand les volumes de transactions augmentent brutalement, et que les prix chutent ou remontent très vite, les banques sont moins certaines de trouver un vendeur de US Treasuries pour chaque acheteur qui souhaite en acquérir, et inversement. Par crainte de pertes financières potentiellement importantes, elles se refusent donc à stocker des volumes importants de Treasuries, sans avoir identifié des acheteurs potentiels auparavant. Pour reprendre notre petite métaphore, elles refusent de remplir leur verre d'eau, si cette dernière présente un risque de se transformer en miel. Si elles le faisaient, elle prendraient le risque de ne pas pouvoir s'en débarrasser à des prix corrects.

À l'inverse, elles ne veulent pas non plus se trouver trop à court de Treasuries en les vendant massivement, sans savoir d’avance où elles pourraient en racheter de nouvelles. Elle ne veulent pas vider leur eau trop vite, si cela leur impose de remplir le verre avec du miel demain. En effet, dans un marché à la hausse, elles seraient alors à risque de devoir payer un prix beaucoup plus élevé que celui auquel elles avaient vendu ces mêmes Treasuries initialement. Or c'est exactement ce scénario qui a eu lieu la semaine dernière, avec des volumes historiquement élevés, dans un marché exceptionnellement volatil.

Par conséquent, les banques ont commencé à augmenter le prix qu’elles affichaient pour acheter des Treasuries, et à baisser celui auquel elles étaient prêtes à les vendre, creusant ainsi un écart entre les deux pour se protéger. Mais cela équivaut à assécher la liquidité dans un secteur de marché qui en dépend, et cela renforce la volatilité des prix. Concrètement, la réaction des banques à l'instabilité des marchés... augmente ladite instabilité.

La Fed a d’ailleurs bien compris l’importance de protéger la liquidité, en mettant d'important moyens de financement peu chers à la disposition des banques, dès le lendemain. En d’autres termes…. En injectant de la liquidité.

M’Abonner

Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés

C'est noté. À très bientôt !
Hmm, quelque chose coince. L'adresse peut-être ?
Dans la même catégorie