Chaque année, la lettre du nonagénaire Warren Buffett à ses actionnaires de Berkshire Hathaway est une lecture imposée pour de très nombreux investisseurs qui essaient d’y trouver des leçons et idées de placement, fournies par le GOAT de l’investissement.
Celle de 2025 ne déroge pas à la règle : elle offre un aperçu fascinant de la philosophie d’investissement de Buffett, des explications simples de la performance exceptionnelle de son conglomérat, Berkshire Hathaway, ainsi que des informations au sujet de la transition en douceur vers Greg Abel, son successeur désigné. Voici les enseignements clés que nous retenons de cette 59e lettre emblématique.
Pourquoi des milliers de fans et de professionnels lisent la lettre de Warren Buffett ?
Si vous nous lisez régulièrement, vous savez que nous sommes des fans absolus de Warren Buffett, le “Sage d’Omaha”, devenu un des hommes les plus riches du monde en investissant judicieusement.
Nous faisons partie des milliers de fans et de professionnels de l'investissement qui attendent la publication de la lettre annuelle de Warren Buffett aux actionnaires de Berkshire Hathaway tous les ans.
Plusieurs raisons expliquent cet intérêt : le style direct et simple de Warren Buffett, qui rend la lecture accessible à tous ; la transparence avec laquelle il aborde non seulement les bonnes mais aussi les mauvaises décisions, ce qui inspire confiance et respect ; et enfin, la performance financière exceptionnelle de l'action Berkshire Hathaway sur le long terme.
Performance boursière exceptionnelle
Car soyons clair, c’est bien la performance financière qu’a délivrée Warren Buffett depuis des décennies qui le distingue de tout autre investisseur. Jugez-en vous-même : depuis 1965, l'action de Berkshire Hathaway affiche une rentabilité moyenne annuelle de 19,9%, largement supérieure aux 10,4% du S&P 500 (dividendes inclus).
Autrement dit, depuis que Buffett a pris les rênes de ce fabricant de textile au bord de la faillite (depuis transformé en conglomérat), l'action a largement surperformé le marché.
Un investissement en 1965 de 1000 dollars dans le S&P 500 se serait transformé en 390 000 euros en 2024. Une très belle somme qui démontre la puissance des intérêts composés. Mais en investissant la même somme en action Berkshire Hathaway, vous disposeriez aujourd’hui d’un peu plus de 55 millions de dollars !
Un style direct et simple
Warren Buffett est connu pour son style de communication clair et accessible. Comme il l’explique lui-même, il sait qu’il gère l’épargne familiale d’un grand nombre d’épargnants. Il leur doit d’expliquer (simplement) ses réussites, mais aussi ses erreurs.
Dans cette lettre, le premier paragraphe est d’ailleurs intitulé “Mistakes - Yes we make them at Berkshire Hathaway”, pour “Des erreurs - Oui nous en faisons chez Berkshire Hathaway”.
Il utilise donc des métaphores et des exemples simples pour expliquer des concepts financiers complexes, afin que sa lettre soit compréhensible par un large public. Il y ajoute régulièrement quelques pointes d’ironie (tout comme le faisait son associé, Charlie Munger, jusqu’à sa mort il y a quelques années).
Dans sa dernière lettre, il ne déroge pas à la règle, et saisit l’occasion pour se moquer des entreprises où l’utilisation de mots comme “erreur” ou “faute” est officiellement bannie, et dont les rapports annuels sont remplis de jolies photos, sans donner des explications claires sur la performance financière.
Transparence totale
Buffett est également apprécié pour sa transparence. Il reconnaît ouvertement les mauvaises décisions, comme des acquisitions qui n'ont pas porté leurs fruits, et explique comment il a corrigé ces erreurs.
Mais il indique aussi la qualité de certaines de ses décisions. Il relate ainsi dans le détail, l’extraordinaire réussite de Forest River, un producteur de véhicules récréatifs que Berkshire Hathaway a acquis en 2005 de son fondateur et propriétaire Pete Liegl.
Enfin, Warren Buffett juge l’ensemble de ses participations selon des mesures comptables simples, se focalisant notamment sur les bénéfices opérationnels. Il estime que cet indicateur comptable est bien plus fiable que l’EBITDA (pour Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization) , qui est pourtant utilisé par de nombreuses sociétés d’investissement. Comme le souligne le nonagénaire, l’EBITDA ne tient pas compte des intérêts dus, des impôts payés et de l'amortissement des actifs - ce qui peut fausser la perception de la performance d’une entreprise.
Cette approche rationnelle renforce la crédibilité de Berkshire Hathaway et de son fondateur.
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Que retenir de la 59e lettre aux actionnaires ?
La dernière lettre de Warren Buffett apporte plusieurs enseignements clés. Pour rappel, la société dérive ses revenus de deux grands pans d’activités : celle produite par les entreprises contrôlées à 100% par Berkshire Hathaway et celle en provenance du portefeuille d’actions que gère l’entreprise (et où Warren Buffet et ses lieutenants détiennent donc des parties d’entreprises cotées en bourse).
Performance des entreprises détenues à 100%
Commençons par l’activité cœur de Berkshire Hathaway. Non sans un brin d’humour, Warren Buffett souligne qu’un peu plus de la moitié des 189 entreprises pleinement contrôlées par son conglomérat ont délivré des résultats opérationnels en baisse en 2024.
Malgré cette statistique, les bénéfices opérationnels de Berkshire ont augmenté de 26% par rapport à l'année précédente, atteignant 47,4 milliards de dollars.
Les activités de l'assurance, en particulier, ont vu leurs bénéfices opérationnels augmenter de 51% par rapport à l'année précédente, ce qui en fait le principal moteur de la croissance du groupe. Cette réussite est due en partie à la gestion efficace des primes d'assurance et à l'utilisation stratégique du "float" (la différence entre les primes reçues et les sinistres payés), qui permet à Berkshire d'investir dans d'autres actifs rentables.
Vision positive sur le Japon
Warren Buffett adore investir aux États-Unis. “Never bet against America” est un de ces principes fondamentaux. Il avoue aussi ne pas bien connaître - et se méfier - des réglementations étrangères. Donc pourquoi prendre des risques en investissant dans des contrées lointaines, alors qu’il y a tant d’opportunités dans son pays natal ?
Mais Warren Buffett reste opportuniste. Ainsi, il a saisi l’opportunité d’investir au Japon en 2020, quand il a observé que les actions des conglomérats japonais (Mitsubishi, Marubeni, Mitsui, Sumitomo et Itochu) s’échangeaient à des multiples très faibles. Identifiant le potentiel de croissance de l’économie japonaise, Buffett y a vu le moyen idéal pour parier sur un rebond. Il a pris 5% de chacun de ces conglomérats, puis progressivement renforcé sa position, en déployant 13,8 milliards de dollars. Cet investissement vaut aujourd'hui 23,5 milliards de dollars.
Dans sa récente lettre, il indique confirmer sa perception toujours positive de l'économie japonaise. Il évoque même la possibilité de renforcer encore un peu ses positions. Stimulé par cette déclaration, en 24 heures, les actions des cinq entreprises japonaises cotées s’apprécient de 4% à 9% … Nous sommes heureux de l'apprendre, car c'est une des idées que nous avons mis en avant parmi nos meilleurs idées pour l'année 2025.
Ventes significatives du portefeuille d'actions
Regardons maintenant le portefeuille d’investissement en actions plus globalement. Par contraste à une probable augmentation des participations prises par Buffett au Japon, en 2024, Berkshire Hathaway a été massivement vendeur d'actions : les ventes dépassant les 143 milliards de dollars, contre seulement 9,2 milliards de dollars d'achats. En conséquence, le conglomérat dispose aujourd’hui de liquidités de plus de 330 milliards de dollars.
Il s’agit sans doute de la partie de la lettre aux actionnaires qui intrigue le plus ses lecteurs. Car les explications possibles derrière cet allègement significatif et les prises de bénéfices sont nombreuses.
Pourquoi Warren Buffett est-il vendeur ?
Plusieurs théories pourraient expliquer pourquoi Warren Buffett a décidé de réduire significativement la taille du portefeuille d'actions de Berkshire.
Prudence face aux valorisations élevées
Une première raison pourrait être la prudence face aux valorisations élevées des actions, ce qui pousse Buffett à privilégier les liquidités, en attendant des opportunités plus attractives.
Comme il l’a expliqué dans le passé, son approche consiste à “être craintif quand d’autres sont cupides, mais devenir cupide quand d’autres prennent peur”. Or, le sentiment de marché est plutôt optimiste, ce qui soutient les valorisations boursières actuelles élevées.
Il se pourrait donc que Buffett juge le marché trop cher, et qu’il a voulu prendre des bénéfices en vendant (à très grand profit) des actions acquises dans le passé. Comme par exemple celles de Bank of America, achetées en pleine crise financière, au plus bas.
Tirer profit de la hausse des taux d'intérêt
Cette stratégie de désengagement est d’autant plus attractive que Buffett peut faire travailler les liquidités, sans risques, à des taux d’intérêt attractifs, supérieurs à 4%.
En effet, la hausse des taux d'intérêt a rendu les obligations d'État - les fameux US Treasuries - plus attractives. Berkshire Hathaway a donc pu investir une partie de ses liquidités dans ces actifs, qui offrent une sécurité et un revenu régulier, tout en attendant des conditions plus favorables pour investir dans des actions.
Un trésor de guerre redoutable
Avec 334 milliards de dollars de liquidités, rapidement mobilisables, Buffett dispose d’un gigantesque trésor de guerre. Il est possible que Buffett ait constitué cette poche parce qu’il envisage un scénario où la bourse pourrait corriger, potentiellement fortement, lui donnant alors une opportunité rare pour déployer son cash.
N’oublions pas que sa stratégie de longue date consiste à identifier et acheter des entreprises exceptionnelles à des prix honnêtes (“buy great businesses at a fair price”). Il sait que la combinaison des deux facteurs est rare. C’est pourquoi il sait être patient.
Certains spécialistes estiment que les politiques agressives de Donald Trump (déportation des immigrants clandestins, imposition de droits de douane élevés) pourraient non seulement stimuler l’inflation, mais aussi creuser le déficit des États-Unis. Et cela potentiellement jusqu'à un point où les investisseurs pourraient commencer à douter de la capacité de remboursement des États-Unis. Dans un tel scénario catastrophe, une crise boursière ne serait pas surprenante. Est-ce un scénario auquel Buffett se prépare ?
D’autres experts, comme l’analyste Barry Bannister de Stifel, soulignent le risque de stagflation, caractérisé par une inflation persistante et une croissance économique ralentie. Ce scénario, moins catastrophique que le précédent, pourrait entraîner une correction des marchés boursiers. Dont pourrait alors bénéficier Berkshire Hathaway.
Greg Abel, l'héritier de Warren Buffett
Une dernière explication est plus anodine. Il est possible que Warren Buffett, conscient de son âge et qui prépare sa succession depuis des années, ait voulu laisser un bilan propre à son successeur, Greg Abel.
Il est logique que Warren Buffett consacre également quelques lignes à cette succession, minutieusement préparée. Dans la lettre, Buffett renouvelle sa confiance en Abel, soulignant la continuité que celui-ci incarne, en termes de stratégie de placement et d’expertise.
Abel a déjà démontré ses compétences en tant que vice-président chargé des activités non-assurance. Il a notamment activement contribué à la décision d’investir massivement en Apple, ce qui constitue sans doute un des plus beaux investissements du portefeuille de Berkshire Hathaway.
Buffett assure d’ailleurs qu’Abel sera “bientôt” chargé de la rédaction de la lettre annuelle aux actionnaires. Que nous continuerons de lire avec autant d’attention, afin de vous faire part de nos observations, une fois par an.
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