Vous n’avez pas manqué de remarquer que les marchés financiers transpirent ces derniers temps. L’inflation grimpe, et les places boursières du monde entier (à commencer par les US) réagissent mal.
On pourrait mettre cette ambiance électrique sur le dos de la seule sortie de crise sanitaire. Après tout, les guerres et les pandémies sont souvent suivies de phases expansionnistes — la “reprise” — durant lesquelles la machine économique peut s’emballer.
Mais ce serait faire l’impasse sur l’autre problème majeur de ces dernières années : la montée en flèche des tensions géopolitiques. Alors oui : Covid. Mais pas que.
Revenons sur LE problème du moment : l’inflation
Comme expliqué plus tôt sur ce blog, l’inflation est synonyme d’une baisse de valeur de la monnaie, qui entraîne symétriquement une hausse des prix. C’est un problème pour l’économie au sens large, mais aussi pour l’épargnant car :
- L’inflation rogne sur votre pouvoir d’achat. S’il vous faudra 103 euros demain pour acheter ce qui valait 100€ aujourd’hui, vous vous appauvrissez (toutes choses étant égales par ailleurs).
- La hausse de l’inflation fait peur aux marchés. Si une partie de votre épargne est investie sur des supports qui s’échangent en bourse, votre portefeuille pourrait en souffrir.
D’où vient l’inflation ?
De très nombreux facteurs peuvent provoquer de l’inflation. Notamment :
- L’augmentation excessive de la masse monétaire : s’il y a plus de billets en circulation, la valeur relative d’un billet diminue, il en faut donc plus pour acheter la même chose. Certes, la majeure partie de la masse monétaire est maintenant “scripturale” et n’existe plus sous forme de billets, mais la logique reste la même.
- Une demande supérieure à l’offre : si tout le monde veut la même chose au même moment, le prix de cette chose augmente. C’est la loi de l’offre et de la demande.
- La hausse des coûts de production : si les matières premières sont plus chères ou que les salaires grimpent, cette hausse subie (ou provoquée) par les entreprises se répercute sur le prix des produits finis.
- La hausse du coût des importations : cela arrive notamment lorsqu’une une devise se déprécie, le coût des achats dans les autres devises augmente alors mécaniquement.
- La psychologie humaine : si tout le monde s’attend à ce qu’un ou plusieurs des phénomènes ci-dessus se produisent, les acteurs économiques vont prendre des décisions qui risquent d’accélérer l’inflation. Par exemple : commander massivement des matières premières pour faire des réserves au cas où. Ce qui aura pour effet de faire grimper le prix desdites matières, et fera par ricochet grimper le prix des produits finis. Et ainsi de suite.
L’effet… Covid
De toutes les forces à l’œuvre dans la montée de l’inflation actuelle, plusieurs sont effectivement dues à la crise sanitaire et à la période de relance qui a suivi.
Par exemple : pendant la crise, les banques centrales ont inondé le marché de liquidités pour protéger l’économie. Plus récemment, la demande pour certains biens (circuits imprimés, pétrole) a explosé, reprise oblige, et le marché du recrutement s’est fortement tendu. En France par exemple, certains restaurants ferment faute de… personnel !
La crise sanitaire a donc bien eu, et continuera d’avoir des répercussions sur votre portefeuille. C’est indéniable.
La Chine, la Russie, les US, l’Europe, et les autres…
Mais il n’y a pas que les variants X ou Y du Covid qui plombent le moral des marchés en ce moment.
La Russie aux portes de l’Ukraine
En 2008, Vladimir Poutine disait au président américain George Bush que “l’Ukraine n’est même pas un pays”. Cela en dit long sur les ambitions du président Russe, dont le narratif politique repose en partie sur la grandeur perdue de l’URSS unifiée. Il écrivait plus récemment ici que “la formation d’un état ethniquement pur Ukrainien [...] serait comparable en conséquences à l’usage d’armes de destruction massives à notre encontre”. Rien que ça !
Après avoir déjà mis un pied un Ukraine en 2014 avec l’annexion de la Crimée, il menace aujourd’hui d’accélérer alors que 100 000 hommes de troupes russes se massent à la frontière, à 2 heures de Kiev, la capitale.
Personne ne sait si tout cela relève d’une guerre de “posture”, ou de réelles intentions belliqueuses. Ce qui est sûr c’est qu’une invasion potentielle a des ramifications profondes dans le tissu économique mondial. Pour ne prendre qu’un seul exemple, parlons de l’énergie : 30% du gaz européen est importé… de Russie. Au-delà des conséquences humaines dramatiques qu’aurait un conflit armé, il est probable qu’il nous ferait passer un hiver beaucoup plus froid, ou cher. Car l’énergie est un des biens “socle” de l’économie. Elle impacte autant les entreprises que les individus, et serait donc à même de faire sensiblement augmenter le panier de la ménagère (= inflation).
Les nouveaux projets de la Chine
Vers l’extérieur d’abord. Après avoir plus ou moins mis sous contrôle le gouvernement Hong-Kongais, la Chine s’intéresse maintenant à Taiwan. Et bien que les tensions sino-américaines se soient légèrement apaisées depuis l’élection de Joe Biden — et potentiellement aussi en vue des prochains Jeux Olympiques de Pékin — les volontés expansionnistes du gouvernement Chinois sont claires et ne plaisent à personne.
Si la perspective d’un conflit armé est encore lointaine, l’escalade des démonstrations de force dans le Pacifique pourraient mener à une situation similaire à celle vécue en ce moment par l’Ukraine. Scénario dans lequel les échanges de sanctions économiques seraient probablement nuisibles aux épargnants en bout de course. What goes around comes around.
Vers l’intérieur, maintenant. Xi Jingping a opéré un changement de politique économique majeur ces dernières années. D’une doctrine très ouverte et agressive ces quarante dernières années (= croissance à tout prix), il a décidé de mettre l’accent sur la prospérité commune (= distribution de richesses). En ont résulté des ingérences massives du gouvernement chinois dans le secteur de la tech par exemple, pour protéger ce qu’on pourrait appeler la souveraineté technologique (contrôle des données, brevets, sécurité nationale…). Cela a évidemment poussé certains investisseurs à quitter le navire.
Le nucléaire Iranien
Sept ans après l’accord de Vienne, dont l’objectif était de limiter la capacité nucléaire Iranienne au seul secteur de l’énergie civile, les craintes de la communauté internationale sur les progrès de Téhéran persistent.
Après que l’administration Trump ait quitté ces fameux accords et imposé de lourdes sanctions économiques au pays, il est en effet probable que l’Iran ait relancé son programme d’enrichissement d’uranium à des fins militaires. L’un des enjeux diplomatiques de l’administration Biden sera donc de rétablir le contact au plus vite.
L’échec ou le retard de ces négociations pourrait conduire à des tensions diplomatiques importantes. Et quand on sait que l’Iran produit près de 6% du pétrole mondial, on se doute que cela pourrait avoir des conséquences pénibles sur les marchés financiers... et faire grimper les prix au passage !
Le découplage économique mondial
La pandémie a mis en exergue le niveau trop élevé de dépendance des nations entre elles. La mise à l’arrêt de l’industrie chinoise pendant le confinement a, par ruissellement, eu des conséquences dramatiques sur les chaînes d’approvisionnement du monde entier.
Parallèlement, la “guerre économique” que certains pays se livrent à grands coups de taxes à l’importation ou d’embargos poussent les industries à se re-localiser. Autrement dit : à produire ou à s’approvisionner moins loin, pour être moins exposées aux risques liés à l’importation.
Problème : le made in France coûte typiquement beaucoup plus cher que le made in China, et cela aussi pourrait se ressentir sur le prix de la vie.
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