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Les jeux de hasard n’ont strictement aucun rapport avec le placement intelligent et réfléchi de son épargne. Jouer au loto, aux machines à sous ou à la boule sont plutôt des bons moyens pour le dilapider. Nous ne vous recommanderons donc jamais de “miser tout sur le rouge” pour tenter de doubler votre mise, car à la roulette, il n'y a qu’un gagnant … le casino. Mais nous faisons une exception pour le poker. Qui de façon plus générale, vous aidera à prendre de meilleures décisions dans la vie. Voici pourquoi.
Un jeu de hasard, mais pas que
Le Texas Hold’em, sans limites
Il existe de nombreuses versions de poker, aux noms évocateurs de Stud, Razz ou encore Royal, mais nous nous concentrons ici sur la plus populaire de toutes, le fameux Texas Hold’em, No Limits. Pour les novices, dans cette version du jeu, chaque joueur reçoit 2 cartes que lui seul peut voir (qu’on appelle les “cartes fermées”). Puis sont distribuées progressivement au centre de la table jusqu’à 5 cartes, dites, “communes”, faces ouvertes, que tous les joueurs peuvent voir. Le but du jeu est d’arriver à la meilleure combinaison de 5 cartes possible, entre vos cartes fermées et les cartes communes.
Au fur et à mesure que les 5 cartes communes sont dévoilées, les joueurs parient de l’argent, typiquement représenté par des jetons de couleurs (les “chips”). En réponse à chaque mise par un joueur, les autres ont le choix de se retirer (de se “coucher”), de continuer en pariant la même somme d’argent que lui (de “suivre”), ou de parier plus (“d’enchérir”).
Et comme il est précisé dans le nom du jeu, ces paris sont sans limites, c’est-à-dire qu’un joueur peut parier jusqu’à la totalité de ses jetons sur une seule main. On dit alors qu’il est “all-in”.
La subtilité de l’information connue vs l’information inconnue
La popularité du poker, et de ses tournois gigantesques télévisés, vient sans doute en grande partie du fait que ce jeu est un savant mélange de hasard, de probabilités statistiques et de psychologie. Chaque joueur possède des informations précises - la valeur de ses 2 cartes fermées et des cartes communes - mais toujours incomplètes, puisqu’il ne connaît pas la valeur des cartes fermées des autres joueurs.
Ils doivent donc en permanence prendre des décisions sur la base d’informations imparfaites. Avec un véritable impact financier. Exactement comme quand on investit en bourse, ou que l’on sélectionne ses placements de façon raisonnée.
Le parallèle entre poker et l’épargne
Les très bons joueurs de poker, comme les investisseurs compétents, procèdent avec méthode afin de maximiser leur probabilité de gain :
1. Collecter un maximum d’informations possibles
La première étape consiste à collecter un maximum d’informations. Pour le joueur de poker cela consiste bien sûr à évaluer la valeur des cartes connues (ses cartes fermées et les cartes communes) mais aussi les sommes dont disposent les autres joueurs. Car un joueur qui a de l’avance sur les autres pourrait ajuster sa façon de parier, tout comme un joueur qui en est à ses derniers jetons. Il tiendra également compte du comportement des autres joueurs, révélé durant la partie, prenant note de ceux qui ont tendance à bluffer, ou à prendre des risques inconsidérés. Il notera tous les signes nerveux ou ticks que certains ne peuvent s’empêcher d’avoir lorsqu’ils ont de très bonnes cartes.
Pour l’investisseur averti qui envisage d’acheter des actions d’une société, c’est pareil. Il s’agit de lire des rapports annuels afin d’étudier la performance historique de la société. Est-ce que la stratégie de la société est claire ? Ses dirigeants sont-ils compétents ? Qui sont les concurrents de l’entreprise ? Son bilan est-il financièrement sain.
2. Analyser les risques, avant d’en prendre
Tout en acceptant que nous ne disposerons jamais de la totalité de l’information, dans les deux cas, les meilleurs joueurs, comme les meilleurs investisseurs, prendront toujours le temps de collecter un maximum d’infos. Car cela permet d’analyser les scénarios. Et donc de déterminer le risque potentiel associé à un pari donné (pour le joueur de poker), ou à un investissement (pour l’épargnant).
Car éviter en permanence tous les risques est forcément perdant ! Au poker, pour participer à un tour et recevoir ses cartes fermées, chaque joueur doit faire un mise de départ (le “blind”). On voit bien qu’en refusant de parier en permanence et en se couchant systématiquement, on finit par épuiser sa pile de jetons.
Pour l’épargnant qui laisse sa totalité de son argent sur un compte bancaire, dans son coffre ou sous son matelas, c’est la même chose. L’inflation et les frais de tenue de compte rongeront chaque année une petite partie du capital, dont le pouvoir d’achat s’effritera petit à petit.
3. Contrôler ses émotions
C’est crucial si on veut éviter de se faire plumer au poker ! Si à chaque fois que vous recevez une paire d’as, vous ne pouvez vous empêcher de sourire, vous n’allez pas faire long feu. Il est tout aussi important de “lire” les réactions et le comportement de vos adversaires, qu’il est de contenir ses émotions et de ne pas donner de signes aux autres.
Dans le monde de l’investissement, il est tout aussi important de ne pas céder à vos émotions, notamment celles provoquées par des forts mouvements de marché. L’humain a des biais psychologiques dont tout épargnant doit se méfier, car ils peuvent nous pousser à vendre au plus bas, sous l’effet de la panique. Ou à nous faire sentir invincibles, ce qui nous conduit à ignorer les risques potentiels.
4. Ignorer le “bruit”
Maria Konnikova, psychologue, joueuse de poker de haut niveau et auteure de l’excellent livre “The Biggest Bluff” (Le Plus Grand Bluff) explique que lorsqu’elle participait à son premier vrai tournoi de poker, elle s’est retrouvée à une table où l’un des joueurs a déclaré “all-in” sur une des premières mains. Son instinct et sa raison, formés par de longues heures de préparation et d’apprentissage, lui disaient de se coucher. Alors qu’elle se décide de l’annoncer, un des autres participants fait part alors de sa conviction qu’il s’agit d’un bluff flagrant. Opinion partagée par les autres joueurs à la table. Ce qui la pousse à suivre… et de se faire éliminer du tournoi. Apprenant ainsi une leçon coûteuse : au poker, il faut ignorer le “bruit”.
Il en est de même quand vous placez votre argent de façon sérieuse. Pour arriver à votre décision, vous avez lu, obtenu des renseignements, effectué votre analyse des risques, évalué le potentiel de gain et peut-être pris conseil auprès d’experts (mais en tenant compte de leurs biais éventuels). Ce n’est pas le moment d’écouter des sirènes.
5. Apprendre et devenir meilleur
Les meilleurs joueurs de poker professionnels y consacrent énormément de temps, et s’entraînent quotidiennement. Ils apprennent les statistiques et sont forts, très forts, en calculs probabilistes. Ils se renseignent sur leurs concurrents, et visionnent des tournois du passé. Nombreux sont ceux qui ont des coachs, qui les aident à devenir meilleurs. Maria Konnikova est ainsi le poulain d’Erik Seidel, un champion du monde du poker qui l’aide à mieux “lire” ses adversaires et contrôler ses émotions. Et cela, alors que Maria est docteur en psychologie de la prestigieuse université de Columbia.
Au poker, les erreurs se paient cash, littéralement. À l’inverse, les bonnes décisions se traduisent tout aussi tangiblement par des gains financiers.
L’investissement intelligent suit des lois tout à fait similaires. À force d’apprendre de ses erreurs et de s’entourer des meilleurs pros, on devient meilleur.
6. L’expérience paie, mais à la longue
Statistiquement, au poker, la meilleure combinaison de cartes ne gagne que 12% des mains ! Cela montre bien que la qualité du joueur et son expérience font la différence. Oui, les cartes sont distribuées de façon aléatoire et vous pouvez tomber sur une série de mains faibles, c’est ce que vous en faites qui distingue le (très) bon joueur de l’amateur.
Statistiquement, l’investisseur rencontrera des phases de “mauvaise série”. Il fera face à des marchés baissiers de temps à autre, et son portefeuille souffrira durant les krachs boursiers. Il peut perdre “des mains”. Par exemple, il peut avoir fait toutes les analyses possibles le conduisant à acheter des actions de Boeing à la fin de l’année 2019 à un prix d’environ 350 dollars par action. La pandémie, impossible à prévoir, met à l’arrêt l’aviation mondiale et le cours de cette action tombe sous les 100 dollars en quelques mois.
De même, l’investisseur expérimenté se couchera très régulièrement et passera à côté de belles opportunités de gain. Par exemple, il peut avoir décidé d’investir dans des sociétés susceptibles de bénéficier de la crise sanitaire mondiale au mois de mars dernier. Et s’il réussit à ignorer le bruit ambiant de l’époque (“Ça va être pire que 1929”... ), il a peut-être acheté des actions de Netflix (+66% depuis), pariant sur une demande accrue pour des films et séries à regarder durant le confinement. Mais aura-t-il pensé à aussi acheter les titres de Wix (+314%) - le fournisseurs de sites web clé en main aux commerçants - et de Zoom (+380%) - la société proposant des services de téléconférence ?
La discipline distingue les pros des amateurs
Tant pour le bon joueur de poker que pour l’investisseur averti, ce n’est pas très grave de passer à côté de certaines opportunités. L’un comme l’autre ont pris les meilleures décisions possibles, fondées sur l’information partielle et imparfaite dont ils disposaient. Et selon leurs moyens. Ce qui compte, c’est qu’en étant discipliné, et en respectant scrupuleusement les principes précédents, ils savent que sur des durées longues, ils battront leur adversaires.
Pour le joueur de poker, il s’agit de plusieurs jours de tournoi, durant lesquels il jouera plusieurs centaines de mains, en vue d’éliminer des milliers de participants.
Pour l’investisseur, l’horizon de temps se compte en années, voire en décennies. Son adversaire ? Le fameux “Mr. Market”, Monsieur Marché, comme l’appelait Benjamin Graham, le père fondateur de l’investissement professionnel et le mentor d’un certain Warren Buffet. Il désignait ainsi ces marchés financiers où l’information n’est jamais complète, les émotions régulièrement vives et le comportement des acteurs pas toujours rationnel.
Et si j’aime le poker, mais pour le fun ?
Rassurez-vous, surtout continuez à jouer entre amis. Cela reste un jeu après tout. Mais en ce qui concerne votre épargne, nous souhaitons être un peu plus directif.
Soit vous ne souhaitez prendre aucun risque. Votre argent dort à la banque ou dans le coffre. Aucun problème, mais sachez que vous êtes comme le joueur de poker qui ne suit jamais. Un jour votre épargne ne vaudra plus grand chose.
Soit vous y consacrez le temps nécessaire, de façon discipliné. Contrairement au poker, où seuls quelques champions peuvent en vivre et s'accaparent la grande part du gâteau, en matière de placement, un amateur intéressé qui y consacre une partie de son temps de façon régulière, peut tout à fait se mesurer à Mr. Market. Avec un peu d’effort et beaucoup de rigueur, il est possible de générer des rendements appréciables. Dit autrement, il y a beaucoup de place aux côtés de professionnels comme Warren Buffet, et l’investissement n’est pas un jeu à somme nulle, où le gain de l’un est forcément la perte de l’autre.
Soit enfin, vous faites partie de la grande majorité, qui sait qu’il faut épargner, mais qui se sent plus ou moins incompétente pour le faire bien. À la grande différence du poker, où vous ne pouvez pas “déléguer” la prise de décision à un pro (et en plus, ça tue le côté ludique de la chose !), en finance c’est tout à fait possible de se faire aider. Et pas seulement quand vous êtes multimillionnaire. Il existe plusieurs applis d’aide à l’épargne, dont certaines sont gratuites. Vous ne savez pas laquelle choisir ? Nous avons une suggestion pour vous ….
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