Le président des États-Unis est clair sur le sujet : ce sera à l’Europe de se charger (en très grande partie) de sa propre défense, et d’en assumer le coût. Dans un contexte géopolitique tendu, l’Europe, qui a pris un sacré retard dans le domaine en se reposant (trop?) sur le soutien de son allié américain, va devoir réaliser des investissements massifs.
La hausse significative des dépenses de défense explique pourquoi ce secteur connaît un regain d'intérêt sans précédent parmi les investisseurs. En tant qu’épargnant et investisseur particulier, comment jouer la thématique ? Est-ce éthique ? Et si on estime que oui, comment peut-on, dans la pratique, investir dans le secteur de la défense ?
La thèse d’investissement : le contexte géopolitique et la politique de Donald Trump
La situation géopolitique actuelle, marquée par les tensions entre la Russie et l'Ukraine, a conduit à une réévaluation des priorités en matière de défense en Europe.
Mais c’est bien le président américain Donald Trump qui a mis le feu aux poudres (oui, le jeu de mots est voulu). Car il insiste : c’est à l’Europe de payer pour sa propre défense. En clair, l’Europe ne doit plus compter sur les États-Unis pour sa défense et doit donc très sérieusement accroître ses investissements dans le domaine.
Pour donner un peu de contexte, de 1999 à 2021, les dépenses de défense des pays de l'Union européenne n'ont augmenté que de 20%, contre 292% pour la Russie et 592% pour la Chine sur la même période. Ainsi, le nombre de chars est tombé de près de 19 000 à moins de 5 000 en Europe.
Pour l'Union européenne dans son ensemble, les dépenses de défense ont atteint environ 1,9% du PIB en 2024. La Pologne constituant une exception, puisqu’elle consacre déjà 4,1% de son PIB à la défense. Le fait que ce pays partage une longue frontière avec la Russie y est sans doute pour quelque chose.
Aux États-Unis, les dépenses militaires sont nettement plus élevées et représentent depuis des années, plus de 3% du PIB. Sans parler des 6% du PIB que les Russes consacrent à leur budget militaire depuis l’invasion de l’Ukraine.
Sous la pression des États-Unis, qui ne souhaitent plus assumer le rôle de gendarme du monde, les pays européens sont de plus en plus conscients de la nécessité de renforcer leur autonomie stratégique et d'augmenter leurs dépenses militaires.
Cette prise de conscience se traduit par des engagements concrets de la part des gouvernements européens. Par exemple, le Royaume-Uni s'est engagé à augmenter ses dépenses de défense à 2,5% du PIB, tandis que d'autres pays européens envisagent également d'accroître leurs budgets militaires.
Il est donc facile de soutenir la thèse selon laquelle les entreprises actives dans le secteur devraient bénéficier de commandes accrues et d’investissements significatifs dans les années à venir.
Les entreprises européennes de défense
Si on adhère à cette thèse, encore faut-il savoir la traduire en alternatives de placement concrets. Et donc s’intéresser aux entreprises actives dans le secteur, en se focalisant sur des acteurs européens (qui seraient les premiers à bénéficier d’une volonté politique de la part des pays européens de chercher une indépendance militaire vis-à-vis des États-Unis).
Plusieurs entreprises européennes se distinguent dans le secteur de la défense et offrent des opportunités d'investissement intéressantes. Nous avons identifiés les six exemples suivants :
- Airbus : Leader européen de la défense et de l'aéronautique, Airbus tire 20% de son chiffre d'affaires du secteur de la défense.
- Thales : Le groupe français est un acteur majeur dans l'électronique de défense et la cybersécurité.
- BAE Systems : L'entreprise britannique est l'un des plus grands fournisseurs de systèmes de défense au monde.
- Rheinmetall : Le groupe allemand se spécialise dans les véhicules blindés, la fabrication de munitions et les systèmes d'armement.
- Saab : L'entreprise suédoise est reconnue pour son expertise dans l'aéronautique militaire et les systèmes de défense.
- Dassault Aviations : L’avionneur français, fabricant du Rafale, qui a depuis quelques années trouvé son marché à l’export.
Ces exemples sont bien connus des épargnants, dont un nombre grandissant ont identifié le potentiel de croissance, comme en atteste le graphique puissant suivant :
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L'investissement dans le secteur de la défense est-il éthique ?
C’est une question à laquelle nous n’avons pas la réponse. Car les deux positions se défendent.
Sur papier, l’industrie de l’armement est très polluante. Lorsqu’on prend en compte le “scope 3” de cette industrie (c’est-à-dire l’impact de sa production sur l’environnement), il est impossible de soutenir le contraire. En effet, la production d’armes a typiquement pour but de détruire des bâtiments, des infrastructures et du matériel appartenant à l’ennemi. Sans parler de la perte en vie humaines.
De nombreux gestionnaires d’actifs et sociétés d’assurance ne permettaient pas à leurs clients d’inclure des valeurs de l’industrie de l’armement dans leurs portefeuilles pour cette raison.
Plusieurs d’entre eux ont changé leur fusil d’épaule (oui, une fois de plus, la formule est délibérée), depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Leur raisonnement étant que l’Europe doit s’armer plus et mieux, si elle veut préserver son indépendance, sa liberté et défendre ses valeurs démocratiques. Pour paraphraser Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, un réarmement rapide et significatif de l’Europe serait le meilleur moyen pour éviter une guerre et préserver la paix.
Donc c’est à chacun de se faire une opinion en la matière. Mais si vous voulez la nôtre, nous sommes plutôt dans le camp de Mark Rutte.
Les tendances du marché et les perspectives d'investissement
Comme le graphique ci-dessus l’illustre, les cours des actions des entreprises de défense européennes ont atteint des niveaux record en février 2025, reflétant les anticipations des investisseurs quant à l'augmentation des dépenses militaires.
Cette tendance s'explique par plusieurs facteurs, à commencer par l’augmentation des budgets de défense. Plusieurs pays européens se sont engagés à accroître leurs dépenses militaires, avec un objectif de 2% du PIB fixé par l'OTAN. Mais il est probable que cette augmentation s’accentue dans les années à venir, certains pays proposant de la porter à environ 5% (chiffre également suggéré par le président Trump).
Le constat est sans appel, sans même parler d’innovation : l’Europe a d’abord un retard à rattraper. Après des années de sous-investissement, les forces armées européennes doivent moderniser leurs équipements, ce qui génère des opportunités pour les entreprises du secteur.
En outre, les armées des différents pays doivent coopérer et améliorer leurs capacités de coordination. Car le secteur est aujourd’hui très fragmenté, une conséquence de l’histoire, où les gouvernements nationaux ont souvent jugé qu’il était indispensable de pouvoir maîtriser la production de ses propres armes. Il en résulte le graphique suivant, qui souligne la multiplication des systèmes de défense disparates et donc inefficaces en Europe.
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Enfin, l’innovation technologique n’est pas une option, mais une nécessité. De l’utilisation des drônes à l’utilisation de l’Intelligence Artificielle en passant par la cyber-sécurité, le besoin d’investir dans la recherche et le développement de nouvelles technologies de défense est gigantesque. Ces investissements à venir offrent des perspectives de croissance à long terme.
Les alternatives d'investissement dans le secteur de la défense
Malgré une forte hausse des valorisations des entreprises dans le secteur de l’armement, il n’est pas exclu que le domaine continue de bénéficier d’un contexte favorable.
Il nous semble que pour ceux qui s’intéressent à cette thématique, il existe alors plusieurs façons d’investir dans le secteur :
Les actions de la défense en direct
De Thalès à Rheinmetall et Saab en passant par Dassault Aviation, un épargnant particulier peut acheter des actions en direct de plusieurs sociétés cotées en bourse. Comme pour tout investissement en direct dans une action donnée, cela comporte des risques certains et expose l’investisseur à la fluctuation (à la hausse comme à la baisse) de ce titre.
Autrement dit, l’investisseur prend un risque concentré sur l’évolution d’une entreprise précise.
Bien entendu, ce risque peut être atténué en investissant dans plusieurs entreprises du secteur, afin de diversifier son exposition, tout en jouant la thématique. Et en poussant cette logique plus loin, il est possible d’investir dans des fonds qui se concentrent uniquement sur le secteur de la défense.
Fonds indiciels cotés (ETF) & fonds mutuels spécialisés
L’investissement dans un fonds dédié au secteur de l’armement et de la défense constitue une alternative à l’investissement en direct dans une ou quelques actions du secteur. Ces fonds permettent d'investir dans un panier d'actions d'entreprises de défense, offrant une diversification et une exposition plus large au secteur.
Nous en avions d’ailleurs parlé dans nos 10 recommandations pour l’année 2025, en suggérant le fonds indiciel (ETF pour Exchange Traded Fund) “Future of Defence”, proposé par la société HanETF. Depuis le début de l’année, le prix de la part de cet ETF est en hausse de 16%.
Afin de souligner le caractère diversifié de l’investissement dans ce fonds, les 10 plus grosses lignes de ce fonds (qui en contient 60 au total) sont les suivantes :
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Source : site de HanETF, le 18 février 2025
Les risques spécifiques associés au secteur
Bien que le secteur de la défense offre des opportunités d'investissement attractives, il est important de prendre en compte les risques qui y sont associés.
Une exposition à l’armement européen, … mais pas que
Tout d’abord, l’investissement dans des sociétés comme Airbus, BAE Systems, Leonardo ou Saab n’est pas un investissement “pur” dans l’armement européen.
Pour deux raisons.
Premièrement, ces sociétés ont souvent une branche d’activité civile. L’exemple d’Airbus est parlant, le constructeur d’avion en construit énormément à usage commercial. Autrement dit, investir dans des actions Airbus vous expose aussi à cette activité civile (dont l’évolution est naturellement beaucoup moins dépendante des dépenses publiques en armement).
Deuxièmement, l’activité armement de ces entreprises n’est pas uniquement tournée vers la défense de l’Europe. Le marché américain représente 40% du chiffre d’affaires du britannique BAE Systems, et l’italien Leonard réalise plus de quart de ses ventes Outre-Atlantique.
Des cycles longs
Les projets de défense s'étendent souvent sur plusieurs années, ce qui peut affecter la visibilité des revenus à court terme. Pour prendre un exemple extrême, la construction du porte-avions Le Général de Gaulle avait été décidée en 1987. Le navire a fait son entrée dans la flotte en … 2001.
Dépendance aux budgets gouvernementaux
Les entreprises de défense sont fortement dépendantes des dépenses publiques, qui peuvent fluctuer en fonction des priorités politiques. Aujourd’hui, la direction prise paraît très claire. Il est peu probable que les États-Unis changent de position sur le sujet, et cela quel que soit le prochain président. Ce qui obligera donc les gouvernements européens à consacrer une partie plus importante de leurs budgets à la défense.
Mais l’ampleur de l’accroissement des dépenses dans le domaine peut varier d’un gouvernement à un autre. Et les changements de gouvernements sont relativement fréquents.
Conclusion
L'investissement dans les actions de défense et d'équipement militaire présente un potentiel d’appréciation intéressant dans le contexte géopolitique actuel. L'augmentation prévue des dépenses de défense en Europe offre des perspectives de croissance pour les entreprises du secteur.
Cependant, comme pour tout placement, les investisseurs doivent soigneusement évaluer les risques spécifiques associés au secteur (et se faire une opinion sur le caractère éthique ou non de ce type de placement). Enfin, l’investissement “pur” dans le secteur est complexe, les acteurs dans le domaine poursuivant souvent une activité duale, l’une adressant le marché civil, l’autre focalisée sur la défense et l’armement.
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