C’est une évidence. La hausse significative des taux directeurs a fortement impacté les taux d’intérêts que les banques appliquent sur les prêts immobiliers qu’elles accordent. Mais l’impact n’a pas été le même pour les emprunteurs, selon le pays européen dans lequel ils résident. Explications.
Un constat sans appel : le coût des emprunts immobiliers a fortement augmenté
Le constat général est simple. La forte hausse des taux directeurs, entamé en 2022 par les différentes banques centrales, de la Federal Reserve aux États-Unis à la BCE pour la zone Euro, en passant par la Banque d’Angleterre au Royaume-Uni, s’est traduite par une hausse considérable des taux d’intérêt sur les prêts immobiliers que les banques accordent.
Pour mémoire, ces mêmes taux d’emprunts avaient progressivement baissé pendant des années (en parallèle d’un long cycle de baisse des taux directeurs) pour atteindre des niveaux historiquement bas. En Europe, les taux directeurs étaient même devenus négatifs, reflétant les efforts de la BCE pour stimuler l’économie. Ainsi, dans un tel contexte, en France, il était devenu possible pour les particuliers d’emprunter à 15 ou même 20 ans à un taux fixe d’environ 1%, facilitant grandement l’accès à la propriété.
Depuis, les taux directeurs ont été relevés une dizaine de fois pour passer de -0,5% à 4%. En toute logique, les banques, en France comme ailleurs en Europe, ont suivi le mouvement et ajusté les tarifs de leurs emprunts immobiliers à la hausse.
Mais l’impact de ces ajustements n’a pas été ressenti de la même façon par les particuliers selon leur pays de résidence. La cause ? Les structures usuelles des prêts immobiliers, qui varient significativement d’un pays à l’autre.
Le cas de la France : le stock est à l’abri, les volumes de prêts en forte baisse
Traditionnellement, en France, les acquéreurs de biens immobiliers empruntent en très grande majorité sur des durées très longues et à taux fixe. C’est-à-dire que les intérêts que versent les emprunteurs sont fixés pour la totalité de la durée de l’emprunt. Moins de 5% des prêts immobiliers accordés en France sont à taux variable.
Ce qui implique que les heureux propriétaires qui ont contracté leurs emprunts immobiliers il y a deux ou trois ans ont pu bénéficier des taux d’emprunt très bas, qui ne changeront pas avant l’échéance de leurs emprunts. La récente hausse des taux ne les affecte pas.
Autre spécificité française : la protection offerte aux emprunteurs par la loi sur le taux d’usure. Cette loi plafonne le taux d’intérêt qu’une banque peut facturer sur un prêt immobilier.
Notons que cette loi, dont l’intention est bien de protéger l’emprunteur, n’a pas que des conséquences positives. En effet, la limite imposée aux banques les contraint à devenir plus sélectives dans les dossiers de demande de prêt. Et de privilégier les dossiers les plus solides, ceux pour lesquels les emprunteurs présentent un risque de défaut ou d’insolvabilité faible. Les contraintes imposées par le taux de l’usure, ainsi que les règles de solvabilité imposant un taux d’endettement inférieur à 33% des revenus, sont donc bien à l’origine de la baisse significative du nombre de prêts accordés. Selon la Banque de France, en juillet 2023, le volume d’emprunts immobiliers est tombé à 12 milliards d’euros. Ce qui est le niveau le plus faible depuis 2014.
En Espagne, les emprunteurs mal au point
Chez nos voisins ibériques, la structure du marché de l’emprunt immobilier est radicalement différente. En effet, les trois-quarts des prêts immobiliers y sont à taux variable. Ce qui veut dire que le montant des intérêts mensuels que doit l’emprunteur s’ajuste automatiquement en fonction d’un taux de référence, … qui fluctue en ligne avec les taux directeurs.
Ainsi, plus de quatre millions de ménages ont eu la mauvaise surprise de voir le coût de leurs crédits immobiliers grimper de mois en mois. Le remboursement de leur emprunt immobilier leur coûte de plus en plus cher. Heureusement, il est possible de changer de format, et de basculer d’un prêt à taux variable à un prêt à taux fixe. Attention, cette bascule n’est pas gratuite. Typiquement la banque facturera une pénalité équivalant à un demi pourcent du montant de l’emprunt.
Au-delà de l’impact que la hausse des taux a eu sur une partie importante du stock d’emprunts immobiliers existants, il est probable que le choc soit conséquent pour de nombreux emprunteurs dans les années à venir. En effet, une portion importante des prêts immobiliers accordés en Espagne sont d’un format hybride. Dans ce format de prêt, très populaire, le propriétaire s’endette à un taux fixe pendant quelques années, après lesquelles son remboursement passe automatiquement à taux variable.
Le même phénomène écrase les emprunteurs au Royaume-Uni
Les Britanniques sont également friands du modèle d’emprunt hybride, qui expose le propriétaire à un taux d’intérêt ajustable, après quelques années à taux fixe. Et pour les emprunteurs britanniques, le choc est particulièrement brutal.
En effet, la Banque d’Angleterre a relevé ses taux directeurs beaucoup plus que la BCE. Les taux directeurs y atteignent 5,25%, soit 1,25% de plus qu’en Europe. Or pour plus de 1,4 million de foyers, le taux d’emprunt va basculer du taux fixe au taux variable cette année. Ce qui représentera une hausse significative du versement mensuel que ces foyers devront à leurs banques.
Cela aurait pu être bien pire encore. En effet, les emprunts à taux variable ne représentent plus que 13% du marché anglais aujourd’hui, alors qu’en 2003 sept emprunts sur 10 étaient à taux variable.
Prix immobiliers en baisse en Allemagne et aux Pays-Bas
En Allemagne, comme aux Pays-Bas d’ailleurs, il était commun d’emprunter la totalité de la valeur d’un bien immobilier, afin de se faire financer l’acquisition d’un appartement ou d’une maison intégralement par la banque. Contrairement à la France, ces emprunts n’étaient pas nécessairement soumis à des restrictions relatives aux revenus de l’emprunteur.
Dans un environnement de taux historiquement bas, cela a stimulé le marché immobilier, où les prix ont bondi. Ainsi, aux Pays-Bas par exemple, l’immobilier s’est apprécié de 50% depuis 2015.
En toute logique, les prix de l’immobilier ont souffert de la hausse brutale des taux d’emprunt. Et si en France on commence à ressentir une certaine contraction sur les prix au mètre carré, la correction a été plus significative en Allemagne. L’année dernière, l’immobilier résidentiel y a perdu 10% de sa valeur en moyenne, ce qui représente la plus forte chute des prix de l’immobilier en Europe.
Face à la baisse des prix, les banques sont devenues plus prudentes et adoptent des procédures plus restrictives dans leurs offres de prêt. Dans les deux pays, le niveau d’apport en capital pour pouvoir acquérir un bien est en hausse, les banques étant naturellement plus frileuses sur le sujet.
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