Le taux d’intérêt sur un livret bancaire d'épargne traditionnel tourne autour des 0,50%. Celui du livret A est un peu mieux (à 3%), mais il va probablement baisser en février prochain. Celui de notre propre Livret Cashbee, hors taux promotionnel, est à 2,5%, après plusieurs mois à un taux boosté. Pourtant, quand on tape “super livret” ou "bon placement sans risques" dans son moteur de recherche, certaines publicités promettent des rendements de % ou même 7% par an, sans risques.
De tels chiffres, associés à des arguments tels que “placement sécurisé” ou “épargne garantie” fera sans doute sourire l’épargnant averti. Mais pour de très nombreux internautes moins expérimentés, la proposition peut faire rêver.
Et il faut dire qu’en surface, elle a de quoi.
Les ingrédients d’un faux site vitrine
mon-livret-2021.fr est en apparence très crédible. Les codes visuels de l’univers bancaire sont respectés — ils plagient même allègrement le logo de nos confrères de Mon Petit Placement.
Les arguments habituels sont là : épargne liquide, garantie, sans risque… tout est fait pour que le visiteur se sente en confiance.
Nous avons même le droit à un petit comparatif maison, dans lequel sont mis en compétition le Livret RCI à 0,80%, celui du CIC à 0,10%, le Livret de Solidarité à 0,35% et l’écrasant “Super Livret” qui promet rien de moins que 3,99% % (oui oui, avec un double %).
En tête de cette page web, un formulaire de contact demande le nom, l’email, le téléphone et le montant à investir pour “connaître votre éligibilité” ou “recevoir la brochure”. Il promet, une fois complété, que la demande est en cours de traitement.
Pourquoi c’est un problème
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces sites sont systématiquement mis en avant sur les moteurs de recherche via des annonces payantes. Si des gens achètent de la pub pour rediriger du trafic vers ces formulaires de contact, c’est qu’ils y gagnent en bout de course.
Les coordonnées de contact collectées via ces formulaires ont, à elles seules, une grande valeur marchande. Les bases de données de “proies faciles” ainsi constituées se passent de main en main entre malfaiteurs, simplement car, si vous êtes tombés dans le panneau une fois, vous êtes susceptible de le faire une seconde.
Mais ce business du lead n’est évidemment rien en comparaison des gains que peuvent faire les arnaqueurs si vous leur envoyez effectivement de l’argent.
Le piège se referme
En lieu et place de brochure commerciale, on ne tarde pas à recevoir un coup de fil d’un conseiller. Il commence par nous expliquer que c’est plus agréable de parler de ces choses-là au téléphone plutôt que de lire de la documentation ennuyeuse. On aime le contact humain voyez-vous.
L’argumentaire de vente qui suit est bien ficelé et toutes les questions trouvent une réponse. Bonne nouvelle : nous sommes bel et bien éligible à l’offre ! Quand on s’inquiète du taux, on découvre tantôt que le Super Livret repose en réalité sur une sorte de SCPI liquide et sans risque (ce qui n’existe pas), tantôt que la rentabilité est assurée par la branche “trading” de telle ou telle grande banque européenne. On nous assure par ailleurs que tout ceci est dûment réglementé. Des acronymes comme “AMF”, “ORIAS” ou “ACPR” achèvent de nous convaincre que ce monsieur sait de quoi il parle. Ça sonne vrai.
Tous les chemins mènent à une conclusion simple : c’est une opportunité rare dont il faut profiter maintenant. Accessible dès X milliers d’euros, à faire parvenir sur le RIB suivant (souvent domicilié en dehors de l’Union Européenne).
L’Autorité des Marchés Financiers — la fameuse AMF susmentionnée — estime que le préjudice moyen par victime est de 40 000€. En 2020, les arnaques au super livret ont dérobé 23 millions d’euros aux épargnants, rien qu’en France.
Mais il n’y a pas que les super livrets...
Entre 2017 et 2019, les Français ont collectivement perdu deux milliards d’euros dans des offres d’épargne frauduleuses en tous genres. Les parkings, les vins, les forêts, les diamants, les œuvres d’art, les crypto-monnaies, les EHPAD, les timbres, les livres anciens… tout peut virtuellement devenir un placement miracle et donc un prétexte à dérober de l’argent. Et ces argumentaires sont particulièrement efficaces dans le contexte actuel de crise et de taux bas.
Comment se protéger
“There is no free lunch”
Cette expression américaine pourrait se traduire par : “pas de risque, pas de gains”. Si quelqu’un vous promet un rendement sensiblement supérieur à la moyenne, et vous assure par dessus le marché que ce rendement est sans risque, il y a de grandes chances pour qu’il y ait un loup.
Un placement peut effectivement prendre 4, 6, 10 voire même 20% par an. Mais ces gains potentiels ne peuvent exister sans contrepartie. En épargne, comme dans la vie, tout a un prix. Et dans le cas des produits financiers, ce prix se matérialise par des frais, ou par du risque.
Chercher la petite bête
Quelle que soit l’attractivité de l’offre, nous ne pouvons que vous encourager à être très, très minutieux dans l’étude de sa promotion. L’absence de conditions générales, d’informations sur l’entreprise, de documentation papier, la présence de fautes d’orthographes ou de liens cassés sur le site web sont autant de signaux qui doivent vous mettre la puce à l’oreille. Idem, si l’adresse email d’un prétendu conseiller est une @gmail.com par exemple.
Car la recette est toujours la même. Il suffit de chercher “super livret” sur internet pour se rendre compte que ces sites web sont produits à une échelle industrielle. Certains sont parfois, à une couleur près, l’exacte réplique du voisin.
Allez voir ce qu’en disent les autres
Mais même quand les informations à disposition semblent crédibles, une seconde vague de vérification n’est jamais inutile.
Un bon réflexe est d’aller regarder les avis sur internet. Si 500 personnes crient au scandale sur un site comme UFC que Choisir, c’est probablement pour une bonne raison. Attention toutefois : ces avis sont souvent anonymes et peuvent, eux aussi, être falsifiés. Méfiez vous aussi d'avis trop positifs pour être vrais.
Le mieux reste donc d’aller faire un tour sur le site des régulateurs. L’AMF tient une liste noire des offres considérées comme frauduleuses. Et une rapide recherche sur le Registre des Agents Financiers (ou REGAFI) vous permettra de savoir si l’établissement qui vous intéresse est bien reconnu par la Banque de France.
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