Aux États-Unis, les sociétés cotées en bourse se succèdent à partir de fin janvier pour annoncer leurs très attendus résultats annuels. Autrement dit : les chiffres de l’année passée.
Ces annonces, qui sont déjà habituellement très observées, le sont particulièrement cette année car l’ambiance sur les marchés est électrique. Tout le monde s’inquiète d’un potentiel ralentissement de la croissance, dans un contexte économique et géopolitique déjà tendu.
Certains de ces résultats annuels ont déçu, provoquant des fluctuations particulièrement violentes des cours de bourse de certaines valeurs de référence. Surtout à la baisse, mais aussi à la hausse. Explications…
Des actionnaires tendus
Un contexte de marché incertain
L’environnement économique est compliqué. L’inflation a fortement augmenté, dépassant les 7% aux US et atteignant les 5% en Europe. Les banques centrales vont donc agir, en éliminant leurs programmes d’achats d’actifs (ce qui revient à injecter moins de liquidités dans l’économie) et en augmentant progressivement le niveaux de leurs taux directeurs.
Ces outils, déjà largement utilisés dans le passé pour contrer l’inflation devraient être efficaces, mais sont susceptibles de peser sur la croissance économique. Reste maintenant à savoir avec quel degré d’urgence les banques centrales vont agir. Trop tarder ou y aller trop mollement ne leur permettrait pas de contenir l’inflation. Mais une politique de hausse des taux plus agressive pourrait étouffer la croissance.
Ajoutez à cela des tensions géopolitiques sur lesquelles nous avons déjà écrit et vous obtenez un contexte plutôt stressant pour les investisseurs.
Des valorisations élevées
À cela s’ajoute le fait que de nombreuses actions s’échangent à des niveaux de prix jamais atteints (ce que les traders appellent ATH pour “all time high”). Ces cours de bourse élevés sont justifiés par les bons, voire les excellents résultats que les grandes entreprises ont affichés ces dernières années. Mais il n’empêche que lorsqu’on compare ces cours aux profits effectivement réalisés (le fameux ratio cours/bénéfice ou “price earnings ratio” en anglais), le constat est sans appel : les multiples d’aujourd’hui sont beaucoup plus élevés que d’habitude.
Dans ces moments-là, les marchés anticipent typiquement un réajustement à la baisse desdites valeurs, et sont donc prompts à quitter le navire au moindre signe de déstabilisation du titre.
L’exemple de Meta : 200 milliards de dollars de valorisation boursière s’évaporent en une journée
Le moindre écart est immédiatement puni
La fébrilité des investisseurs amplifie leurs réactions aux bonnes, comme aux mauvaises nouvelles… mais surtout aux mauvaises, c’est-à-dire en dessous des anticipations.
Meta, anciennement connue sous le nom de Facebook, en a fait les frais. Quand Mark Zuckerberg, son fondateur et PDG, annonce les résultats de 2021, il reconnaît que la croissance de Facebook s’essouffle et que le concurrent TikTok gagne des parts de marché, notamment auprès de la cible très convoitée des adolescents et jeunes adultes. Ces quelques remarques suffisent à faire plonger le cours de l’action Meta de 25% (vous avez bien lu) dans le courant de la journée. Effaçant ainsi 200 milliards de dollars de la valorisation !
PayPal et Spotify ont connu le même sort. Tous deux ont revu à la baisse le nombre de nouveaux utilisateurs qu’ils espèrent attirer dans les mois à venir. Dans la foulée des déclarations de leurs dirigeants, leurs cours de bourse ont dévissé respectivement de 24% et 14%.
Des sociétés pourtant profitables et en forte croissance, mais juste un peu moins que prévu
Il faut remettre les choses dans leur contexte, Meta, PayPal et Spotify sont trois sociétés dont le nombre d’utilisateurs et les revenus continuent de croître.
Meta s’attend à une croissance au 1er trimestre de 2022 comprise entre 3 et 11%. Cela pourrait faire pâlir d’envie certaines entreprises, mais pour le géant américain, cela correspondrait à son niveau de croissance le plus faible depuis… toujours. De façon similaire, Spotify s’attend à accueillir 3 millions de nouveaux utilisateurs ce trimestre. Superbe, mais bien moins que les 8 millions de clients acquis au cours du dernier trimestre de l’année dernière.
Le ralentissement attendu du rythme de croissance a donc suffi pour provoquer de fortes corrections.
Les valeurs de référence entraînent le marché vers le bas
Quand les géants de la tech toussent, le Nasdaq s’enrhume. Il s’agit en effet de valeurs de référence, que de nombreux investisseurs possèdent dans leurs portefeuilles. On vend ses actions Meta et on en profite pour s’alléger de façon plus générale sur le secteur technologique. Ces prises de profits entraînent ainsi de gros volumes de vente sur le marché plus largement, par effet de mimétisme. Ceci, alors que les résultats annoncés ne sont pas nécessairement aussi décevants pour d’autres.
Mais il y a aussi des résultats records
L’excellente perf d’Amazon
Illustrons le scénario inverse. Dans la foulée de la baisse de l’action Meta, le prix de l’action d’Amazon a décliné de 8% jeudi dernier, conséquence du fameux effet mimétique décrit plus haut.
Puis Amazon annonce des résultats solides, notamment dans le Cloud. Et souligne par ailleurs qu’elle va augmenter le prix de son abonnement Amazon Prime de 17%. Les actionnaires sont ravis. L’action rebondit de 13% le lendemain, ajoutant ainsi 190 milliards de dollars à la capitalisation boursière de la société.
En moyenne, les résultats sont bons et (un peu) au-dessus des attentes du marché
Toujours dans le secteur technologique, Apple et Google annoncent également des résultats robustes. Une étude de Bank of America démontre que plus largement, sur les sociétés qui ont publié leurs résultats annuels, les bénéfices sont 5,4% au-dessus des anticipations des analystes.
Donc malgré quelques “loupés” pour certains poids lourds de la bourse — qui ont fait couler beaucoup d’encre — dans l’ensemble, les profits attendus sont bien au rendez-vous.
Certains dirigeants se permettent même un certain optimisme :
“La demande est plus forte que l’offre que ce que nous pouvons produire”, selon le PDG de Caterpillar. “La demande reste soutenue dans toutes nos activités, et continue de dépasser l’offre”, précise le dirigeant de Qualcomm.
Fortes baisses, fortes hausses. Quelles conclusions faut-il en tirer ?
Premièrement, le constat s’impose, la volatilité est de retour. Les variations de prix, à la hausse comme à la baisse, sont plus prononcées. L’indice VIX, qui traque la volatilité, a même brièvement franchi le niveau de 30 à la fin du mois de janvier.
Cela reflète la nervosité des investisseurs. Ils savent qu’après quelques années de forte hausse, la tendance générale du marché est plus complexe à identifier aujourd’hui. L’inflation, les ajustements de politiques monétaires et les tensions géopolitiques font planer le doute.
Deuxièmement, les entreprises ne naviguent pas toutes la sortie de crise sanitaire de la même façon. Elles ne seront d’ailleurs pas toutes impactées de la même manière par le retour de l’inflation. Ainsi, si le secteur technologique a souffert, les secteurs de la banque et de l’énergie se portent par exemple très bien.
Pour l’investisseur professionnel, il s’agit donc d’être plus sélectif dans ses choix de placements. Pour l’épargnant amateur, il s’agit de bien diversifier ses investissements, de respirer un bon coup et de ne pas céder à la panique.
M’Abonner
Une sélection de nos meilleurs articles chaque mois, et un briefing hebdomadaire sur les marchés