Crise sanitaire et implications boursières

Mar 16, 2021

Le son du canon

“Nous sommes en guerre” déclarait Emmanuel Macron le 16 mars 2020, à la veille du premier confinement. Un an après, nous le sommes toujours, même si beaucoup de choses ont changé (pour le mieux) depuis. C’est l’occasion rêvée de vérifier si oui ou non il aurait bien fallu acheter il y a un an.

Ce dicton était surtout populaire à l’époque où les pays dits développés se faisaient la guerre. Il était alors statistiquement judicieux d’investir en bourse quand un conflit éclatait, pour vendre ses actions lorsqu’il prenait fin.

Ce postulat pourrait vous sembler contradictoire. En temps de guerre, l’anxiété et les restrictions imposées à la population sont plutôt de nature à peser sur la santé économique du pays. Là où un traité de paix est souvent synonyme d’un regain de confiance, dans le pays, et sur les marchés financiers.

Mais c’est justement là tout l’intérêt d’acheter “au son du canon”. Vos actions coûteront bien moins cher en temps de guerre, et vous les revendrez bien mieux à la sortie (souvenez vous : acheter bas, et vendre haut). Encore faut-il avoir le courage d’acheter des actions quand tout le monde a plutôt tendance à paniquer.

Toujours est-il que le vieux dicton a encore vu juste.

Acheter en Mars dernier était une riche idée

Depuis le 17 mars 2020 l’indice boursier CAC 40 a bondi de 43%, l’indice S&P de 50% et l’indice NASDAQ (lourdement exposé aux valeurs technologiques dont notamment les fameuses GAFAM) de 72%.

L’indice NASDAQ depuis 17 mars 2020 en hausse de 72% (au 1 mars 2021)

Les marchés avaient dégringolé durant les semaines précédentes, alors que le monde prenait brutalement conscience que ce n’était pas qu’une petite grippe. Mais les cours de bourse sont repartis à la hausse dès le mois de mars, suite aux annonces des premiers plans de soutien massifs. Pour vous faire une idée de leur ampleur, comprenez que presque 20% de tous les dollars en circulation aujourd’hui ont été imprimés l’année dernière.

Une épargne forcée (partiellement) investie en bourse

Cet argent s’est retrouvé dans les mains de personnes, qui par anxiété et/ou manque d’opportunités pour le dépenser, l’ont mis de côté. Ainsi, aux Etats-Unis, le surplus d’épargne en 2020 est grimpé à 1,7 trilliard de dollars. Soit plus de 16% des revenus annuels de la population, un taux d’épargne record depuis la seconde guerre mondiale. Ce même taux d’épargne, déjà traditionnellement élevé en France, a dépassé les 25% pendant le 1er confinement. 10 points de plus que nos 14,5% habituels.

En France, le gros de l’épargne forcée s’est retrouvée sur des comptes bancaires et autres livrets sans risque, mais très faiblement rémunéré. Disposant de plus temps, et de liquidités inhabituelles, de nombreuses personnes ont également investi en bourse, souvent pour la première fois. Aux États-Unis, la banque Goldman Sachs estime que 13 des 49 millions de comptes de trading ont été ouverts l’année dernière.

Ces flux d’investissement, en provenance d’Europe, de Corée, d’Australie, d’Inde et évidemment des US, ont propulsé les cours de bourse des plus grandes entreprises cotées à des sommets inédits. Rappelons une des célèbres citations de l’homme d’affaire Sir John Templeton : “les marchés haussiers naissent dans le pessimisme, se développent dans le scepticisme, mûrissent dans l'optimisme et meurent dans l’euphorie.”

Le temps du clairon est-il venu ?

La théorie de la relance enthousiaste

Où ira l’argent, le jour où le virus sera vaincu ? Les épidémiologistes divergent sur la date exacte, mais tout semble indiquer que la pandémie sera contenue cet été, potentiellement au printemps au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, où les campagnes de vaccination ont été les plus rapides. Entre l’envie naturelle de retrouver une vie sociale (déjeuners en terrasse, dîners au restaurant, voyages touristiques,...) et d’enfin effectuer les achats repoussés dans le temps, le surplus d’épargne pourrait se déverser soudainement dans la consommation. Les fourmis se transformeraient en cigales.

Cette reprise de la consommation pourrait aisément représenter plusieurs pour cents de croissance de PIB en plus à l’échelle mondiale. Un vaste consensus d’économistes estime le rebond à +5% en 2021. Morgan Stanley est plus optimiste et prédit une croissance mondiale de 6%, jusqu’à 8% aux Etats-Unis spécifiquement.

Le poids sur les performances boursières

Aussi surprenant que cela puisse paraître, une reprise aussi forte de l’activité économique ne serait pas nécessairement bénéfique aux valorisations boursières. En effet, une demande qui gonfle dans toutes les régions du monde, plus ou moins simultanément pour les mêmes produits et services aurait un effet inflationniste. Dont les premiers signes se font d’ailleurs déjà sentir sur les marchés de certaines matières premières, comme le pétrole, les métaux et les céréales.

Cette hausse anticipée de l’inflation pèse forcément sur les cours obligataires et fait grimper les taux longs. Or, ce sont justement les taux bas qui ont contribué à la hausse des cours de bourse de l’année dernière. Ils offraient en effet des conditions d’emprunt très avantageuses. La hausse des taux d’emprunts impliquerait des coûts de financement plus élevés et pèserait donc typiquement sur les cours des actions, notamment celles des sociétés technologiques à forte croissance. Or ces dernières — Apple, Microsoft, Google, Facebook et Amazon par exemple — occupent désormais une place prépondérante dans de nombreux indices boursiers. La chute de leurs cours pourrait à elle seule tirer le reste des marchés vers le bas.

Dernier argument en faveur de la fin de la hausse : les cours de bourse sont actuellement élevés. Un retour à la médiane historique devrait mécaniquement conduire à un ralentissement de la hausse des cours de bourse, voire à une potentielle correction des prix.

Le clairon va-t-il sonner ?

Malgré la validité théorique des arguments ci-dessus, rien n’est écrit. Les gouvernements et les banques centrales pourraient très bien continuer à injecter de la liquidité pour contenir toute menace inflationniste. N’oublions pas que quand le coût de la dette augmente, les États sont les premiers touchés, puisqu’ils sont les plus gros emprunteurs.

Dans ce contexte, mieux vaut privilégier une bonne diversification de son épargne plutôt que de vouloir prédire si et quand le clairon sonnera.

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