Au 1er août le taux du Livret A doublera, pour passer de 1 à 2%. Bonne nouvelle ? Sur papier oui, mais elle est à nuancer avec le taux de l’inflation qui est passé, lui, de zéro en janvier 2021, à plus de 6% au mois de juin. Nous pouvons donc légitimement nous demander ce qu’il faudrait pour que le taux du Livret A rattrape celui de l’inflation.
La méthode de calcul de livret A freine son augmentation
Une formule récemment remaniée
Depuis 2020, le taux du livret A est égal à la somme de :
- la moyenne semestrielle de l’inflation (hors tabac) et
- la moyenne semestrielle des taux interbancaires (€STR),
Le tout divisé par 2 et arrondi au dixième de pour cent le plus proche. Le résultat est alors comparé avec un taux de 0,50% qui s’applique si le calcul donne lieu à un pourcentage inférieur à ce taux plancher.
Il se calcule quatre fois par an, le 15 janvier, le 15 avril, le 15 juillet et le 15 octobre. À la dernière date d’observation, les moyennes des taux étaient les suivantes :
- moyenne semestrielle de l’inflation (hors tabac) : +4,52%
- moyenne semestrielle du taux interbancaire €STR : -0,581%
Le calcul donne alors : (4,52 - 0,581) / 2 = 1,9695, soit, en arrondissant 2,00%. Le compte est bon, car 2,00% est bien le taux applicable aux livrets A à partir du 1er août.
L’inflation s’emballe, mais le taux interbancaire reste faible
Depuis 2021, l’inflation s’est mise à croître fortement. Proche de zéro en janvier 2001, elle a atteint 6,5% en glissement annuel au mois de juin de cette année.
Malheureusement pour les détenteurs de livrets A, selon la nouvelle méthode de calcul, l’inflation ne pèse que pour moitié dans la détermination de son taux. L’autre composant — le taux interbancaire — est resté très bas. En l’occurrence, le taux moyen auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles était même négatif (en moyenne) sur les 6 derniers mois.
C’est ce qui explique que le taux du Livret A, même après son doublement à 2%, reste très largement en dessous du taux de l’inflation. Toute l’épargne qui s’y trouve perd toujours en pouvoir d’achat.
En effet, 100 euros déposés sur un livret A pendant 1 an rapportent 2%, soit 2 euros. Or, pendant cette même période, si l’inflation reste constante à 6,5%, il me faudra 106,50 euros pour me procurer ce qui ne me coûtait que 100 euros au début de l’année.
Un écart négatif entre le taux du livret A d’une part, et le taux de l’inflation d’autre part, est historiquement rare. En effet, dans le passé, le calcul du taux du Livret A était au moins égal au taux de l’inflation (hors tabac) plus 0,25%. Ce qui protège mécaniquement contre la perte du pouvoir d’achat !
Le Livret A pourtant toujours aussi plébiscité
La collecte nette reste élevée
Fait étonnant, le livret A a enregistré une collecte nette de 16,5 milliards d'euros au cours du premier semestre 2022. Il a profité d’une première revalorisation au 1er février, quand son taux avait doublé, de 0,50% à 1,00%.
Cette collecte est légèrement inférieure aux 16,74 milliards d’euros collectés sur la même période en 2021 (marqué par des périodes de confinement), mais significativement plus que les 11,57 milliards d'euros de 2019.
Une forme d’épargne sûre et liquide
Il n’y a pas de doute, avec plus de 55 millions de livrets ouverts, le Livret A reste le produit d’épargne le plus populaire en France. Et cela peut se comprendre. Car même s’il ne protège plus totalement contre l’inflation, il offre une très grande sécurité. Par ailleurs, l’épargne reste toujours accessible.
De nouvelles hausses très probables
Nous ne sommes pas devins. Mais il est probable que d’autres hausses du taux du livret A s’ajouteront aux récents doublements de taux successifs. Car d’une part, les pressions inflationnistes restent fortes. Le conflit en Ukraine pèse sur les cours du pétrole et du blé. Les chaînes d’approvisionnement n’ont pas retrouvé une totale fluidité. Et nous voyons bien que les demandes de hausses de salaire se multiplient en Europe.
En outre, la Banque Centrale Européenne (BCE) a — enfin — entamé son cycle de hausse des taux directeurs. Et face à l’envolée des prix à la consommation, elle a décidé d’augmenter ses taux directeurs de 0,50% au mois de juillet, soit le double des 0,25% qu’elle avait longtemps fait miroiter aux intervenants de marchés.
Ce sont bien ces taux directeurs qui influent sur les taux interbancaires. Donc il est très probable que le second composant de la formule mathématique du taux du Livret A décolle également.
Jusqu’où le taux du Livret A peut-il grimper ? Difficile à dire, car plus la BCE augmente ses taux, plus elle pèsera sur l’inflation, dont le taux devra bien un jour se mettre à baisser. Pour rappel, la banque centrale vise un taux d’inflation “d’environ 2%”.
Au début des années 80 le taux du Livret A a atteint un record à 8,50%. Nous ne pensons pas revoir ce niveau de sitôt. En revanche, il n’est pas impossible de retrouver un taux de 3% dans le courant de 2023.
Reste le problème du plafond du Livret A
La combinaison de sa sécurité absolue, de l’accessibilité des fonds et des ajustements progressifs de son taux font du Livret A une solution d’épargne très appréciée des Français, traditionnellement peu friands de risque. Sa popularité est d’autant plus forte durant la période actuelle où les marchés financiers sont agités.
Mais le Livret A est plafonné à 22 950 euros par personne. Une belle somme, mais qui peut vite être atteinte. La question se pose alors : que faire une fois ce plafond atteint ?
Et c’est un vrai sujet. Selon le dernier rapport de la Banque de France, 14% des livrets A ont un solde supérieur à 19 000 euros (donc proche de la limite). Ces 14% représentent d’ailleurs 55% des encours totaux.
Les taux des super livrets suivent le mouvement à la hausse
Bonne nouvelle et phénomène nouveau : la hausse du taux du livret A est accompagnée par les premières hausses des taux d’intérêts versés par certaines banques sur leurs livrets d’épargne et leurs comptes à terme.
Certaines banques ont récemment ajusté à la hausse les intérêts qu’elles versent sur leurs livrets d’épargne, à commencer par les super livrets. Citons en particulier celui de Cashbee, qui rémunère 3% pendant 3 mois (dans la limite de 75 000 euros), suivi de 0,7%. Cette rémunération est moins intéressante que le Livret A, mais les dépôts n’y sont pas contraints en montant. À bon entendeur …
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