L'agence de notation Moody's a récemment pris la décision de dégrader la note de crédit à long terme de la France, la faisant passer de Aa2 à Aa3. Cette décision, annoncée de manière inattendue un samedi matin, n'a peut-être pas eu l’attention qu’elle mérite, l'actualité étant très dense, avec la formation du prochain gouvernement, la visite du pape en Corse et le cyclone dévastateur à Mayotte.
Pourtant elle impacte directement le coût de la dette nationale. Et pour rappel, pour payer les intérêts sur la dette et la rembourser à échéance, l’État français doit prélever des impôts …
Les raisons de la dégradation
La décision de Moody’s reflète les inquiétudes croissantes de cette agence de notation concernant la stabilité politique du pays et sa capacité à réduire son déficit public dans un avenir proche.
Moody's a principalement souligné l'instabilité politique comme facteur clé de sa décision. L'agence estime désormais qu'il y a une très faible probabilité que le prochain gouvernement parvienne à réduire durablement les déficits budgétaires au-delà de l'année prochaine.
Une analyse froide d’un contexte complexe
Cette évaluation s'appuie sur plusieurs éléments, qu’il est pertinent de brièvement rappeler :
- La fragmentation du paysage politique français, qui rend difficile la formation de majorités stables capables de mener des réformes structurelles.
- Les difficultés rencontrées par le gouvernement précédent pour faire passer des réformes économiques importantes, notamment celle des retraites.
- La persistance d'un déficit budgétaire élevé, malgré les engagements répétés de le réduire.
- Les perspectives de croissance économique modérées pour les prochaines années, qui limitent la marge de manœuvre de tout gouvernement.
Des pronostics économiques ajustés à la baisse
Moody's prévoit que les finances publiques de la France seront matériellement plus faibles au cours des trois prochaines années par rapport à leurs prévisions d'octobre 2024.
L'agence anticipe notamment que le déficit de la France atteindra 6,3% en 2025 avant de diminuer progressivement à environ 5,2% en 2027. Ces chiffres sont nettement supérieurs à l'objectif de 3% fixé par les traités européens. La France se classe parmi les pires élèves de la classe dans ce domaine.
Le poids la dette
De plus, Moody's estime que le ratio de la dette nationale par rapport au PIB augmentera de 113,3% en 2024 à 120% en 2027. Cette trajectoire de la dette publique est particulièrement préoccupante, car elle limite la capacité de la France à faire face à d'éventuels chocs économiques futurs.
Par ailleurs, une augmentation de la dette (et une augmentation des intérêts que la France doit verser pour l’honorer) feront mécaniquement augmenter la partie des impôts qui doit être consacrée au service de la dette. Et cet argent ne pourra donc pas être déployé pour payer les fonctionnaires, investir dans l’infrastructure, renforcer notre défense nationale ou encore soutenir l’éducation nationale.
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Découvrir l'appLes conséquences pour la France
La dégradation de la note de crédit par Moody's pourrait avoir plusieurs conséquences importantes pour la France.
Une pression accrue sur les coûts d'emprunt
Les taux d'intérêt auxquels la France emprunte sur les marchés financiers pourraient augmenter, rendant le service de la dette plus coûteux. Les coûts d'emprunt à 10 ans de la France ont déjà dépassé 3% cette année, un niveau qui n'avait pas été atteint depuis plusieurs années.
Un élargissement du spread avec l'Allemagne
L'écart entre les taux d'emprunt français et allemands, connu sous le nom de "spread", s'est creusé pour atteindre son plus haut niveau depuis la crise de la dette de la zone euro. Alors que l'Allemagne, considérée comme l'emprunteur le plus sûr de la zone euro, emprunte à des taux proches de 2,5% sur 10 ans, la France doit désormais payer plus de 3%. Cet écart de plus de 80 points de base témoigne de la perception accrue du risque associé à la dette française.
Une comparaison défavorable avec d'autres pays européens
Il est particulièrement frappant de noter que les coûts d'emprunt de la France ont récemment dépassé ceux de la Grèce sur certaines échéances. Cette situation, impensable il y a quelques années, souligne l'ampleur des défis auxquels la France est confrontée en matière de finances publiques. Elle illustre aussi la détérioration de la perception des investisseurs internationaux du risque de crédit que représente la France.
Une pression accrue sur le gouvernement
La dégradation de la note met une pression supplémentaire sur le gouvernement (à venir) de François Bayrou pour qu'il prenne des mesures rapides et efficaces pour redresser les finances publiques.
Les notes des autres agences
Il est important de noter que Moody's n'est pas la seule agence de notation à avoir exprimé des inquiétudes concernant les finances publiques françaises. En mai dernier, son grand concurrent américain, S&P Global Ratings, avait déjà abaissé la note de crédit de la France de AA à AA-, un niveau équivalent à la nouvelle note Aa3 de Moody's.
L’agence de notation européenne Fitch, quant à elle, a maintenu sa note AA- en octobre. Mais elle a abaissé sa perspective de "stable" à "négative", ce qui pourrait préfigurer une future dégradation de sa note si la situation ne s'améliore pas.
La réaction du gouvernement français
Face à cette décision de Moody's, le gouvernement français a tenté de minimiser son impact tout en réaffirmant son engagement à réduire le déficit public. Le ministre des Finances sortant, Antoine Armand, a déclaré "prendre acte" de la décision de Moody's, tout en soulignant que la nomination de François Bayrou comme Premier ministre et la volonté réaffirmée de réduire le déficit apportent une réponse explicite à cette dégradation.
François Bayrou lui-même a déclaré dans son discours d'acceptation qu'il ferait de la réduction de la dette une priorité. Il a notamment souligné que "la dette est un problème moral puisque la mettre sur les épaules de nos enfants est inacceptable". Cette déclaration témoigne de la prise de conscience de l'urgence de la situation, mais reste à voir comment elle se traduira en actions concrètes.
Les défis à venir
Le nouveau gouvernement français est confronté à des défis considérables pour redresser les finances publiques du pays, à commencer par la proposition puis l’adoption d’un budget national.
À moyen terme, le gouvernement devra naviguer dans un paysage parlementaire fragmenté pour mettre en œuvre des réformes visant à réduire le déficit et la dette, tout en stimulant la croissance économique. Cette tâche s'annonce particulièrement délicate dans un contexte de ralentissement économique mondial et de tensions sociales persistantes en France.
Le gouvernement devra également faire face aux exigences de la Commission européenne, qui a déjà réprimandé la France pour avoir dépassé la limite annuelle d'emprunt de 3% du PIB. La crédibilité de la France au sein de l'Union européenne est en jeu.
Enfin, le gouvernement devra trouver un équilibre entre la nécessité de réduire les dépenses publiques et celle de maintenir un niveau suffisant d'investissements pour soutenir la croissance économique et la transition écologique.
Conclusion
La dégradation de la note de crédit de la France par Moody's est un signal d'alarme sérieux pour les finances publiques du pays. Elle souligne l'urgence de mettre en œuvre des réformes structurelles pour réduire le déficit et stabiliser la dette publique.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la capacité de la France à emprunter sur les marchés internationaux. Malgré le contexte économique et politique complexe, la France continue d’être un des puissances politiques et économiques principales en Europe. Ses notes de crédit le reflètent d’ailleurs, car - même après les dégradations récentes - elle reste dans une catégorie “double-A”, réservée aux meilleurs émetteurs de dette dans le monde.
Mais le coût de ce financement augmente, ce qui fait mécaniquement accroître le coût de la dette. Le danger est de tomber dans une spirale néfaste où le service de la dette devient de plus en plus cher, obligeant le gouvernement à augmenter les impôts et/ou de réduire les dépenses, freinant alors la croissance économique, … qu’il faudra relancer en empruntant plus …
Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer si la France est capable de redresser la barre de ses finances publiques et de regagner la confiance des marchés financiers et des agences de notation.
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