Mercantilisme : retour d'une vieille idée économique en 2025
Le mercantilisme est une théorie économique née au XVIᵉ siècle, qui a dominé les stratégies d’État jusqu’au XVIIIᵉ. Son postulat central ? La richesse d’un pays se mesure à la quantité de métaux précieux qu’il détient, en particulier l’or et l’argent. Pour l’enrichir, il faut donc favoriser les exportations et réduire les importations. Autrement dit, au niveau du pays il faut vendre beaucoup, acheter peu.
Cela vous paraît d’actualité ? C’est parce que cela ressemble fortement au discours d’un certain Donald Trump, président des États-Unis, pourtant la nation parmi celles qui ont le plus profité du libre échange.
La pensée mercantiliste, popularisée par des figures comme Thomas Mun en Angleterre ou Jean-Baptiste Colbert en France, s’est traduite par des politiques très interventionnistes et protectionnistes : tarifs douaniers élevés, subventions à la production locale, création de grandes compagnies de commerce internationales.
Sous Louis XIV, Colbert appliqua ce système à la lettre : réglementations serrées, développement massif des manufactures nationales, création d’une flotte commerciale puissante. Entre 1664 et 1683, le nombre de navires français passe de 18 à plus de 270. L’objectif était de rendre la France autosuffisante et d’affirmer sa puissance par la maîtrise économique.
Le protectionnisme, longtemps jugé obsolète à l’heure de la mondialisation et du libre échange, revient par la grande porte. Donald Trump, entre 2016 et 2020, a relancé l’idée d’une économie "America First", centrée sur elle-même. Il impose des tarifs douaniers à la Chine, sanctionne certains importateurs et met la pression sur les multinationales américaines pour qu’elles produisent localement. Résultat : en 2019, le déficit commercial américain avec la Chine a reculé de 18 %.
Même logique du côté de Pékin, qui pousse à fond son modèle "Made in China 2025", visant à dominer des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs ou les énergies propres. L’objectif est double : monter en gamme tout en assurant une souveraineté industrielle et technologique.
L’Union européenne commence à réfléchir à des instruments de souveraineté économique. Entre 2020 et 2024, la France a lancé plus de 13 milliards d’euros dans la relocalisation de filières (santé, électronique, énergie).
Même l’Allemagne, traditionnellement libérale, parle désormais de "protection industrielle ciblée".
Les politiques néo-mercantilistes ont une influence directe sur l’économie réelle. L’augmentation des droits de douane, par exemple, peut entraîner une hausse du coût des importations. Une des conséquences logiques de ce type de politique économique est donc une hausse de l’inflation. Aux États-Unis, l’American Economic Association estime que les tarifs imposés à la Chine ont ajouté environ 0,4 point d’inflation annuelle entre 2018 et 2020.
Or, qui dit inflation, dit intervention des banques centrales. La BCE ou la Fed réagissent en relevant les taux directeurs, ce qui influe sur la rentabilité des placements. Livrets, obligations, assurance-vie : le contexte monétaire change, et les stratégies d’épargne aussi.
La montée du protectionnisme fragilise également les chaînes de valeur mondiales. Moins d’échanges signifie plus de dépendance à la production nationale. Si un choc survient (guerre, pandémie, crise énergétique), les prix s’envolent et les marchés réagissent brutalement. Pour les investisseurs, cela signifie : plus de volatilité, plus d’opportunités, mais aussi plus de risques à gérer.
Le mercantilisme ne revient pas tel quel. Sa version actuelle est une adaptation de l’idée originale Les États n’aspirent plus forcément à accumuler de l’or, mais à défendre leurs intérêts économiques : emploi, indépendance énergétique, leadership technologique. Cela peut être positif (dans le court terme), mais - comme l’histoire le montre - cela peut rapidement tourner et une fuite en avant, avec des conditions de plus en plus restrictives sur les échanges internationaux, qui finissent par peser sur le consommateur, qui doit faire face à des prix de plus en plus élevés. .
Le défi ? Éviter que la tentation souverainiste ne dégénère en guerre commerciale. L’épisode Trump-Biden contre la Chine montre que l’effet domino est réel : chaque État riposte, les alliances s’érodent, et la coopération internationale s’étiole.
Dans ce domaine, les décisions aussi brutales que significatives, annoncées par Donald Trump signaleraient plutôt un retour vers un mercantilisme plus dur et affirmé que de part le passé.
Le retour d’un État stratège rebat les cartes. Pour celles et ceux qui épargnent, cela signifie surveiller de près les tendances : inflation, politiques industrielles, taux d’intérêt, rapports de force internationaux. La diversification, la mobilité, l’analyse des risques deviennent les mots-clés d’une stratégie d’épargne intelligente.
Le mercantilisme, loin d’être un vestige historique, inspire à nouveau certaines dynamiques économiques mondiales. Derrière la montée du protectionnisme, de la souveraineté industrielle et des politiques publiques musclées, c’est une réinvention contemporaine de l’État interventionniste qui se dessine. Et pour les épargnants comme pour les investisseurs, comprendre ces enjeux n’est plus une option : c’est une nécessité.