Les États-Unis et l'Europe divergent de point de vue sur la décarbonation

Jun 4, 2024

La nécessité de la transition énergétique ne fait plus vraiment débat en Europe. Aux États-Unis, les choses ne sont pas aussi simples. Deux actualités dans le domaine du pétrole illustrent cet écart manifeste.


Les banques françaises se mettent (plus) au vert

En Europe, la transition énergétique est largement acceptée comme étant nécessaire pour la protection de la planète et des générations à venir. Le débat se concentre plus sur qui doit faire quoi et à quelle vitesse, sans oublier les discussions sur le financement de la décarbonation.

Parmi les nations européennes, la France fait partie des pays où la population et le gouvernement sont très largement convaincus de la nécessité de basculer des énergies fossiles vers un usage proportionnellement de plus en plus important des énergies renouvelables et propres.

Et c’est pourquoi, soit par conviction, soit sous la pression publique, les banques françaises se sont engagées à prêter moins au secteur pétrolier. Mais le secteur bancaire continue d'être dans le viseur des activistes écologiques, qui estiment qu'elles contribuent au réchauffement climatique tant qu'elles continuent de financer des activités polluants.

Mais plus récemment, devant le Sénat, les dirigeants de BNPP et du Crédit Agricole sont allés plus loin. Ils se sont engagés à ne plus participer au placement des émissions obligataires d’emprunteurs du secteur pétrolier, sauf si les montants de dette ainsi levés étaient spécifiquement dédiés à des projets d’investissements verts, c’est-à-dire dans des projets d’énergies renouvelables.

C’est une annonce qui peut paraître insignifiante, mais qui dénote une vraie évolution dans le domaine. Car cela signifie que ces banques vont non seulement réduire les sommes d’argent qu’elles prêtent elles-mêmes à des entreprises comme Total Énergies, BP ou Shell, mais qu’elles vont aussi cesser d’aider ces compagnies à s’endetter sur les marchés financiers.

Il s’agit d’un geste fort, car les émissions obligataires rapportent des commissions de distribution importantes aux banques qui les dirigent. Et les autres grands acteurs dans le domaine des marchés de capitaux s'empressent de capter les parts de marchés délaissés par les deux institutions françaises. 

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Dans le même temps, aux États-Unis …

Aux USA, les mentalités n’ont pas (encore) autant évolué sur le sujet de la décarbonation. Les climato-sceptiques, dont un certain Donald Trump, occupent encore une bonne partie du terrain. Et le lobbying de certaines industries polluantes, dont celui du pétrole, y est très puissant.

Ce qui donne lieu à un tout autre type de débat.

Attaquer ses propres actionnaires respectueux de l’environnement 

C’est dans ce contexte que le groupe pétrolier gigantesque Exxon attaque deux de ses propres actionnaires. Faisons un bref retour sur les faits.

Il y a quelques mois, deux groupements d’actionnaires d’Exxon, les entités Follow This et Arjuna Capital, avaient voulu soumettre une résolution à l’assemblée générale pour forcer l’entreprise à réduire son empreinte carbone. Cette proposition de résolution a depuis été retirée.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Malgré le retrait de leur proposition initiale, la direction d’Exxon a décidé d’attaquer ces deux groupes d’actionnaires en justice. Sur quel fondement ? La société pétrolière estime que les propositions de résolution de ces actionnaires sont frivoles, interfèrent trop avec la gestion quotidienne de la société et s’apparente à de l'ingérence.

Comme Follow This est basé à Amsterdam, la justice américaine a laissé tomber la procédure contre ce groupement. En revanche, la poursuite judiciaire à l’encontre de Arjuna Capital est jugée recevable.

Les autres actionnaires institutionnels à la rescousse

D’autres actionnaires institutionnels déclarent depuis leur soutien aux deux groupements ainsi ciblés. Plus spécifiquement, Calpers, le plus gros fonds de pension américain et Norges, le fonds souverain de la Norvège, s’opposent à cette tactique de l’entreprise, jugée particulièrement agressive. Les deux investisseurs ont indiqué qu’ils allaient voter contre la réélection de Jay Hooley, membre du Conseil de Surveillance d’Exxon, qui est à l’origine de cette manœuvre.  

Pour être clair, cela ne signifie pas que Calpers et Norges soutiennent les initiatives en faveur de la transition énergétique que leurs co-actionnaires avaient initialement proposées. Mais ces gigantesques fonds d’investissements s’inquiètent des conséquences d’une éventuelle condamnation des accusés. Car cela limiterait les droits des actionnaires de proposer des ajustements de stratégie aux entreprises dans lesquelles ils investissent. Or n’oublions pas que ce sont les actionnaires qui sont les propriétaires de l’entreprise, pas les managers qui la dirigent.

Un propriétaire dont on réduirait les droits pour imposer sa vue …  Un comble, pour l’un des pays les plus libéraux du monde ! 

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